Le magazine italien Il Venerdi n°1176, paru le 1er octobre 2010 consacre sa couverture à Marilyn Monroe (photo d'Eisenstaedt) et un article intérieur de 7 pages pour la sortie du livre Fragments: avec extraits des écrits de Marilyn et photographies en noir et blanc (de Beaton - DeDienes - Feingersh). (scans de Chris).
La chanteuse américaine Katy Perry se la joue Marilyn Monroe dans une publicité diffusée en Allemagne.
L'actuelle Top 3 des ventes d'albums en France, vient de tourner une nouvelle, mais courte version, du clip de son nouveau single, "Teenage Dream". Un tournage durant lequel Katy Perry se la joue Marilyn Monroe, pour les besoins promotionnels de la chaine allemande Pro7 ! Katy Perry, dont le nouvel album squatte les premières places de charts mondiaux depuis sa parution, déjà porté par deux tubes, "California Gurls" et "Teenage Dream", s'est offerte une réécriture de son dernier clip pour les besoins de la chaine allemande Pro7. Une vidéo dans laquelle la chanteuse évolue telle une Marilyn des temps modernes.
Le 10 juillet 1962, deuxième séance photos avec Bert Stern, dans le bungalow 96, l'une des plus grande suite du Bel Air Hotel de Los Angeles.Il s'agit de l'un des derniers shootings de photos de mode où Marilyn Monroe porte une robe de créateur et un manteau de fourrure selectionnés par Vogue.
Article publié le 06/10/10 Par CLAIRE DEVARRIEUX en ligne sur liberation.fr
Critique - Demain paraît simultanément dans une dizaine de pays européens «Fragments», un recueil des notes, textes et poèmes écrits par l’actrice. Le journal intime d’un cœur en vrac.
Marilyn Monroe en décembre 1961. (Len Steckler (PRNewsFoto/Eagle National Mint))
Marilyn Monroe Fragments. Poèmes, écrits intimes, lettres Edité par Stanley Buchthal et Bernard Comment. Préface d’Antonio Tabucchi. Traduit de l’anglais par Tiphaine Samoyault. Seuil, 270 pp., 29,80 €. En librairie demain.
On disposait déjà de la radiographie pulmonaire de Marilyn. Nous tenons désormais la radioscopie de son cerveau, de son âme. Depuis l’âge de 17 ans, en 1943, et jusqu’à 1962, l’année de sa mort, Marilyn Monroe a consigné de temps à autre ses émotions, ses sentiments, qui n’étaient pas gais, tenté de mettre au clair son état d’esprit, surtout quand elle se sentait «déprimée folle», voire «borderline». Les pages les plus étonnantes sont destinées à son psychanalyste, en mars 1961 : elle y raconte son séjour en hôpital psychiatrique, elle qui était obsédée par la folie des femmes de sa famille.
Fac-similé. La majeure partie de ces écrits date des années 50, quand Marilyn Monroe vient à New York. Qu’ils nous parviennent seulement aujourd’hui s’explique aisément. Le tout est revenu à Lee Strasberg, mentor et exécuteur testamentaire. Assez longtemps après la mort du directeur de l’Actors Studio (en 1982), l’épouse de ce dernier est tombée sur les papiers de Marilyn. Un ami, Stanley Buchthal, en a parlé à Bernard Comment, éditeur au Seuil, un soir, à Paris. Le résultat, édité par leurs soins, est un élégant album de textes, documents et photos. Il paraît simultanément dans une dizaine de pays, chez Feltrinelli en Italie, Seix Barral en Espagne, Fischer Verlag en Allemagne, rien que des maisons ultra-littéraires contactées par Bernard Comment. Fragments : le titre est bien trouvé. La star a le cœur en vrac.
Sur la page de gauche, la reproduction en fac-similé des notes manuscrites (ou des feuillets tapés à la machine). A droite, le texte anglais et la traduction. Les éditeurs ont mis en page le désordre des exclamations, des poèmes, des bouts d’auto-analyse. La traductrice, Tiphaine Samoyault, a patiemment décrypté les gribouillis. Marilyn Monroe, «une enfant radieuse» (son portrait par Truman Capote porte ce titre), est bourrée de complexes : «Je ne suis pas très maligne je pense.» Ou encore : «Les gens vont penser que je ne suis pas bonne, ou rire et me rabaisser, ou encore penser que je ne sais pas jouer.» Elle fait part de ses difficultés à se concentrer, à se rassembler. Strasberg l’aide à dominer sa peur. «Travailler (accomplir les tâches que je me suis fixées)/ Sur scène - je ne serai pas punie pour cela/ ni fouettée/ni menacée/ ni pas aimée/ ni envoyée en enfer pour être brûlée avec les méchants.» Elle a conscience des «problèmes et phobies qui viennent de mon passé». Elle pense que «l’enfance de chacun se rejoue tout le temps».
Marilyn Monroe est comme vous et moi, elle commence des cahiers qu’elle ne finit pas. Utilise le papier à en-tête des grands hôtels. Des agendas, des répertoires à la couverture en cuir, frappée de ses initiales, des carnets, noirs ou rouges. Elle est l’adolescente immortelle que le photographe Cecil Beaton avait vue en elle. Qui s’en va répétant : «Je suis seule. Je suis toujours seule/quoi qu’il arrive.» Mais qui fait des progrès : «Solitude - sois calme.» Elle a un fort sentiment de culpabilité, se sent «sous-humaine», doit combattre l’impression qu’elle joue un rôle. Quel genre d’homme est Arthur Miller, son mari, pour laisser traîner, ouvert, son propre journal ? Les éditeurs nous avertissent : elle «y découvre que le dramaturge est déçu par elle, qu’il a honte parfois de ses comportements, et qu’il doute de leur amour».
Trahison. Le livre de Marilyn Monroe est un bouleversant signal, un pêle-mêle bordélique, follement sympathique. Mais il n’est pas que ça. On sent son désir de faire le tri entre les mots bons pour la corbeille, et ceux qui pourraient être lus : «Seuls quelques fragments de nous/ toucheront un jour des fragments d’autrui.» On la voit gommer, barrer, afin de parvenir à l’expression la plus adéquate. On lit : «J’ai vu plein de jeunes marins solitaires qui paraissaient trop jeunes pour être aussi tristes. Ils me rappelaient de jeunes arbres frêles croissant dans la douleur.»
Il y a surtout de beaux poèmes. L’un d’eux est inspiré par Arthur, sans qu’on sache s’il a été écrit avant ou après la trahison : «La souffrance de sa nostalgie lorsqu’il regarde/ quelqu’un d’autre/ comme une insatisfaction ressentie depuis/ le jour de sa naissance/ Et moi, ma détresse implacable/devant la souffrance de sa nostalgie -/ lorsqu’il en regarde une autre et qu’il l’aime/comme une insatisfaction ressentie depuis/ le jour de sa naissance/ nous devons l’endurer/ moi encore plus tristement car je ne puis ressentir aucune joie.»
Article publié le 06/10/10 en ligne sur liberation.fr
Interview - Cotraductrice de James Joyce, Tiphaine Samoyault a travaillé sur «Fragments» :
La traduction des Fragments a été faite par Tiphaine Samoyault, qui est une des cotraductrices d’Ulysse, de James Joyce, et travaille actuellement sur une biographie de Roland Barthes.
Vous avez tout de suite accepté ce projet ? Oui et non, j’étais un peu interloquée par la proposition. C’était comme si on me proposait de rencontrer quelqu’un d’ultracélèbre, d’ultra-auratique ; comme si on me disait : demain tu vas rencontrer Obama en tête-à-tête, parce que la traduction est quand même un tête-à-tête. Après, c’est devenu extrêmement fort de faire cela. Les choses très simples dont elle parle tout le temps, le rapport aux hommes… C’est étonnant, je traduisais des phrases que je venais de prononcer, ou inversement… mais c’est une expérience qui aurait été partagée par toute traductrice.
En dehors de ce que je fais pour la revue Poésie, j’ai une seule expérience importante de traduction, c’est Ulysse, de Joyce. C’est drôle, il y a dans Fragments cette célèbre photo de Marilyn lisant Ulysse. Il y a d’autres photos d’elle lisant, mais quand elle lit Arthur Miller, on voit que c’est une photo posée ; quand elle lit Whitman ou Joyce, elle lit vraiment.
Quelle est la particularité de cette traduction ? Je travaillais sur un manuscrit non établi : au départ, j’ai eu une liasse qui correspondait à un premier déchiffrement fait par les éditeurs. Ensuite, tout a beaucoup bougé, la datation et l’ordre des textes, leur lecture même… Jusqu’à la fin, on a hésité sur la lecture de certains mots. Parfois, c’était lié à l’illisibilité de l’écriture - notamment les notes écrites sur le papier à en-tête de l’hôtel Waldorf, une époque où elle était très désespérée -, et parfois à son orthographe fantaisiste. Même si elle se perfectionne incroyablement avec les années, elle a quand même un anglais fragile.
Etre devant un texte complètement instable était très intéressant : cette instabilité correspond tellement à l’instabilité affective dont témoignent ces textes que cela rendait l’expérience assez forte, un peu totale.
J’ai trouvé qu’il y avait là une vérité profonde : même dans le côté solaire de Marylin, même dans sa beauté, sa lumière, il y a quelque chose d’instable.
Comment avez-vous travaillé sur ces textes ? Le premier, une note qu’elle a écrite à 17 ans, est dans un anglais vraiment très hésitant. Après, quand on voit tout le travail qu’elle fait sur la langue, le souci qu’elle a de bien parler et bien écrire l’anglais, de chercher les nuances, fait que, dans la traduction, je n’ai pas reporté toutes les hésitations de la première note.
Par ailleurs, selon l’état dans lequel elle est, sa graphie change beaucoup, c’est très troublant parce qu’au bout d’un moment, il suffit de voir une page pour savoir comment elle est. Mais c’est aussi sensible pour le lecteur attentif.
Parmi les textes que j’aime le mieux, il y a ce poème magnifique, «J’ai quitté ma maison verte en bois brut…», et j’adore évidemment celui sur les ponts, que je trouve très puissant, très elliptique. Et aussi la longue lettre au docteur Greenson, très articulée, très belle. On voit bien comment entre la première note, écrite dans une très grande inquiétude liée à une probable infidélité de son mari, et cette lettre-ci, elle a acquis une maîtrise. Cela ne la rend pas forcément plus heureuse, mais elle a une maîtrise de son expression, même dans les moments incontrôlables. Cette aptitude à l’auto-éducation m’a beaucoup touchée. Elle a été aidée par des gens qu’elle a rencontrés, mais elle a su les rencontrer.
En même temps que cette traduction, vous étiez en train d’écrire la biographie de Barthes… J’ai commencé ce travail sur Barthes il y a un an et demi. Mais je n’étais pas dans les deux manuscrits et je n’avais pas les deux graphies dans la tête en même temps. Dans les deux expériences, il y a quelque chose de très intime. On sort d’un rapport au texte pour entrer dans un rapport de grande proximité avec les êtres, qui passe par le rapport très concret au papier, aux écritures, aux encres…
Après, ce qui est étonnant chez Barthes, c’est que cet esprit si articulé, éduqué - suréduqué, même -, qui a une maîtrise totale de la langue, cède progressivement, il est attiré par la non-maîtrise. On le voit bien dans ses derniers cours, ses derniers textes, la façon dont il entre dans le discontinu. Avec Marilyn, c’est un peu l’inverse. On a un texte discontinu par défaut, et une quête progressive de la maîtrise.
Finalement, qu’est-ce que cette traduction représente pour vous ? Au départ, je ne savais pas à quoi m’attendre, j’aurais pu avoir des petites lettres, cela aurait pu être plus anodin. Je me disais que ce n’est pas très sérieux, comme s’il y avait un décalage avec ce que je suis. Et, en cours de route, c’est devenu une expérience très forte. J’ai trouvé qu’il y avait, à la fois dans ce qu’elle écrit et dans la façon dont ce texte nous arrive, quelque chose de puissant, qu’on ne peut posséder complètement, qui est de l’ordre de l’instabilité, de la fragilité dans l’écriture, mais aussi l’inachèvement. Au bout du compte, j’ai été très fière et très touchée d’avoir fait ça.
Le 10 juillet 1962, deuxième séance photos avec Bert Stern, dans le bungalow 96, l'une des plus grande suite du Bel Air Hotel de Los Angeles.Après plusieurs shootings, Marilyn Monroe se lassait des photos de mode et enfila la liseuse, ce petit tricot léger que Babs Simpson, la rédactrice de mode de Vogue, n'aimait pas. Pour ce dernier shooting photos, Stern demande à rester seul avec Marilyn et l'équipe présente -composée du staff de Marilyn (son coiffeur Kenneth et son maquilleur), de Peter, l'assistant photographe de Stern et de Babs Simpson- sort et attend dans la pièce d'à côté. Bert déplace le lit et prend une photo d'eux -Marilyn allongée dans le lit et Bert assis à côté- dans un grand miroir, qui deviendra une photographie phare de Vogue vingt ans plus tard. C'est là que Bert Stern photographiera Marilyn complètement nue dans les draps blancs, buvant du champagne allongé de vodka. En effet, Stern voulait absolument des nus de Marilyn ("Je ne pensais qu'à la déshabiller" dira-t-il plus tard) et il ferme la porte à clé pour prendre les clichés.
A l'aube, Marilyn s'assoupit et Stern tente de l'embrasser; elle se détourne en murmurant "non" et finit par s'endormir. Stern prend alors un dernier cliché de Marilyn endormie avant de quitter la chambre, il dira: "J'avais touché l'une des plus douces créatures qui soient et je voulais en garder une dernière image. Je voulais son profil sur l'oreiller, en plongée. J'ai grimpé sur le lit en chaussettes. L'obturateur a cliqueté et elle n'a pas bronchée." Il réveille le reste de l'équipe et sort pour faire le tour du bungalow: il découvre alors deux cuisiniers japonais qui ont profité d'un store mal tiré pour assister à toute la séance!
**** Marilyn in Bed****
>> Série avec la liseuse
>> Série nue dans le lit en noir et blanc
>> Série nue dans le lit en couleur
>> Photos signées par Stern
>> Planches Contact (en intégralité)
>> Cliché de Erick Nygards, assistant de Bert Stern le site du photographe sur nygardsphotography.com
Le 12 juillet 1962, troisième et dernière séance photos avec Bert Stern, dans le bungalow 96, l'une des plus grande suite du Bel Air Hotel de Los Angeles. Pour ce dernier rendez-vous, Bert Stern voulait un portrait mythique de Marilyn Monroe en noir et blanc. Il s'agit ici d'une mise en abyme: Stern photographie Marilyn qui le photographie avec un appareil Nikon !
Le magazine Elle n°2953, de la semaine du 5 août 2002 consacrait un article intérieur de 10 pages sur Marilyn Monroe, intitulé "Le style Marilyn": 1 page avec 3 photos de Marilyn dans les Misfits, et 9 pages d'une mannequin (il n'y a malheureusement pas son nom!) qui s'inspire de photos célèbres de Marilyn et de ses looks (photos de Barris, de Greene, de Stern). (scan perso).
Le Figaro Magazine, parution du samedi 2 octobre 2010, consacre sa couverture à Marilyn Monroe et un article de 8 pages intitulé "L'Autre Marilyn", Prix: 4,50 Euros Vendu en supplément du journal "Le Figaro" comprenant: Le Figaro Magazine, Madame Figaro et TV Hebdo (scan perso).
Article publié le 1er octobre 2010 par Jean-Marc Parisis en ligne surlefigaro.fr
Non, elle n'était pas une ravissante idiote ! Les poèmes, notes et lettres laissés par Marilyn montrent que l'actrice américaine savait aussi écrire. Avant sa sortie mondiale dans une dizaine de pays, Jean-Marc Parisis a lu, le livre le plus attendu de l'automne, publié grâce à un éditeur français.
Longtemps elle n'est allée qu'à l'école de la vie dans les faubourgs de Los Angeles. Un père qui s'éclipse avant sa naissance. Une mère schizophrène, avec qui elle vivra brièvement à 7 ans, avant de la voir partir à l'asile. Un séjour à l'orphelinat entre deux familles d'accueil. Des études écourtées pour convoler à 16 ans, en juin 1942, avec James Dougherty, de cinq ans son aîné, le fils d'un voisin d'une famille d'accueil. James «ne coïncidait pas en réalité avec l'idéal de l'homme de mes rêves probablement étais-je très fortement attirée par lui comme l'un des rares jeunes gens pour lesquels je n'avais pas de répulsion sexuelle», explique-t-elle dans la longue note ouvrant les Fragments. L'ensemble de ce texte introspectif, lumineux et chaotique, fut-il vraiment écrit vers 18 ans? Le recul face aux événements, les ruptures de ton et de temps, le choix assumé d'un «point de vue objectif et analytique» (sic) et la frappe à la machine interrogent. Marilyn griffonnait sur des carnets, des feuilles volantes, des bouts de papier. S'agit-il de notes éparses mises au net ultérieurement ? Ce n'est pas la seule zone d'ombre de ces Fragments (manuscrits ou dactylographiés) alignant une Marilyn dans tous ses états d'écriture: écrits intimes, lettres, poèmes, recettes de cuisine, notes diverses. La teneur d'un certain nombre de textes étant loin d'être inédite, c'est autant le fond que la forme de l'ouvrage, son principe d'accumulation, sa mise en perspective biographique qui font sa singularité. Précisons que Marilyn ne se souciait aucunement de reconnaissance littéraire (ses souvenirs sont posthumes et rapportés). Elle n'écrivait que pour se rassembler, se donner l'heure, elle qui était toujours en retard. Dans le monde, pour le monde, elle se voulait actrice.
Dougherty n'aurait donc jamais dû s'embarquer dans la marine marchande, sa petite femme en a profité pour réanimer un rêve de gloire enfantin en posant pour des magazines de pin-up. Quand le marin revient, elle ne pense plus qu'au cinéma, ils divorcent en 1946. Le magnat Howard Hughes a remarqué Norma Jean Baker sur un magazine. Rebaptisée Marilyn Monroe par la Fox, elle commence par jouer les utilités blondes. Même après ses prestations dans Eve de Mankiewicz et dans Quand la ville dort de Huston, elle ne passe pas pour une cérébrale à Hollywood.
En 1951, assistant à une discussion entre Elia Kazan et le dramaturge Arthur Miller, l'auteur de Mort d'un commis voyageur, elle se trouve «effroyablement stupide. Je ne connaissais rien à la peinture, à la musique, à la littérature, à l'histoire, à la géographie»(1). Elle suit un cursus d'histoire de l'art, se plonge dans Freud et les classiques. Bientôt elle lira Ulysse de Joyce en débardeur bariolé. Ce rattrapage se double de cours de comédie ; elle consigne studieusement dans un carnet: «Une actrice n'a pas de bouche», «Ecoute avec les yeux», «Flottement», «Tension». Quand elle note «Seule!!!!!!» et «Je crois en moi jusque dans mes sentiments les plus délicats et ténus», elle a doublement raison. Après Niagara, le producteur Darryl Zanuck, qui la surnommait «Tête de paille»(1) à ses débuts, la voit en poule aux œufs d'or. Mais c'est son tour de mépriser Hollywood, ses têtes vides, ses bourses pleines. Elle préfère parler poésie avec Edith Sitwell. L'envol de sa robe au-dessus de la bouche de métro sur Sept ans de réflexion a pourri son mariage avec l'ex-base-balleur Joe DiMaggio. Elle veut changer d'air, de films, lancer sa maison de production. Fin 1954, en lunettes et perruque noires, elle prend un billet au nom de Zelda Zonk et s'envole pour New York.
A New York, c'est la rencontre décisive avec Lee Strasberg, le directeur artistique de l'Actors Studio. Il collectionne les livres, écoute Mozart et passe pour un gourou. Il conseille à ses élèves d'entamer une psychanalyse pour exprimer leur potentiel. En entrant à l'Actors Studio, Marilyn entre aussi en psychanalyse, chez le Dr Margaret Hohenberg. Sur du papier à en-tête de l'hôtel Waldorf Astoria, où elle loge l'année de son arrivée à New York, elle lâche des mots édifiants sur l'emprise du mentor et de la psy: «Le meilleur des chirurgiens - Strasberg doit m'ouvrir le corps ce qui m'est égal puisque le DrH m'a préparée - m'a donné un anesthésiant, mais elle a fait aussi un diagnostic et est d'accord avec ce qui doit être fait - une opération pour me rendre à la vie et pour de cette terrible maladie, quelle qu'elle soit.» Cela ressemble à un mauvais rêve.
A New York, elle retrouve Arthur Miller. L'homme à la silhouette de héron est inquiété pour ses idées communistes. Marilyn s'en fout, qui griffonne dans un agenda un hymne auseul «être humain que j'ai jamais rencontré que je pourrais aimer non seulement comme un homme que je désire jusqu'à en être pratiquement affolée - mais (...) en tant qu'autre être humain à qui je fais confiance autant qu'à moi-même». Son problème, c'est la confiance en elle. En atteste une note ironique de 1955: «Souviens-toi que tu peux être assise au sommet du monde (on ne dirait pas).» S'asseoir n'est pas son genre. Malgré l'insistance de Tennessee Williams, Kazan ne voudra plus de ses fesses pour Baby Doll: «Il dit que j'ai été à ce point déifiée comme sex symbol que le public ne me verra jamais comme une vierge ou une fille de dix-neuf-vingt ans.»
Le sex-symbol électrise les intellos de Manhattan. Elle se lie avec Carson McCullers, le garçon manqué aux joues en côtes d'agneau. L'inévitable Truman Capote l'escorte en boîte de nuit et se rappellera plus tard que c'est en 1955 qu'elle «commença à avaler trop de cachets et à boire trop de champagne»(1). Quand elle annonce qu'elle veut jouer le rôle de Grushenka dans Les Frères Karamazov, les mongols d'Hollywood ricanent. Là-bas, on l'attend au tournant sur Bus Stop de Joshua Logan. Malgré les cours de Strasberg et la présence de sa femme Paula, dépêchée en chaperon sur le tournage, elle panique toujours autant. «Dès que j'entre dans une scène je perds ma relaxation mentale (...). Ma volonté est en éveil mais je ne peux rien supporter. J'ai l'air folle mais je crois que je suis en train de devenir folle.» Terreur récurrente qui obligera Strasberg à débarquer sur le tournage londonien du Prince et la Danseuse (ça barde avec Laurence Olivier) et Miller à se pointer sur celui de Certains l'aiment chaud pour la sortir de la loge où elle se barricade.
En tournant Le Prince et la Danseuse, nouvellement mariée à Miller en cet été 1956, elle s'aperçoit qu'elle n'est pas la seule à noircir du journal intime. Elle est tombée sur celui de Miller, qui se dit déçu par elle. On ignore si c'est avant ou après la trouvaille qu'elle couche sur du papier de sa résidence du Surrey: «Je pense que j'ai toujours été profondément effrayée à l'idée d'être la femme de quelqu'un car j'ai appris de la vie qu'on ne peut aimer l'autre, jamais, vraiment.» En villégiature dans leur campagne de Roxbury (Connecticut), elle écrit vers 1958 qu'elle «déteste être ici parce qu'il n'y a plus d'amour». Que des barbituriques, des terreurs, des fausses couches et des livres.
La lionne et la poétesse. Dans Certains l'aiment chaud et Marilyn (2), son collègue Tony Curtis raconte qu'elle sortait de la salle de maquillage avec Les Droits de l'homme de Thomas Paine en main. Les livres, les écrivains, les mots furent ses meilleurs compagnons, ceux qui convoquaient ses parts de raison et de goût les plus sûres. Elle fut la première à morigéner Miller à propos des faiblesses du scénario des Désaxés. Perdue à tous les étages de sa vie, elle s'y retrouvait dès que l'esprit flottait quelque part. En 1959, McCullers lui présente Karen Blixen, qui la décrit «d'une vitalité sans frein et d'une incroyable innocence», en «jeune lionne» exhalant un «sentiment presque écrasant de force invincible». Ecrire la tenait aussi debout. Les manuscrits poétiques des Fragments sont fébriles, biffés. On serait tenté d'y voir les signes de son désordre intérieur, mais, après tout, il s'agit d'ébauches, de brouillons, de variations. On connaissait d'ailleurs plusieurs de ces textes pour les avoir rencontrés ailleurs sous une forme ou sous une autre, mais il est toujours bon de lire :
«Vie
Je suis tes deux directions
Demeurant tant bien que mal suspendue vers le bas
le plus souvent
mais forte comme une toile d'araignée dans le vent (...)»
Lapidaires, mouchetés, bousculés ou filant droit, fléchés, métastasiques, voués à la mort, bucoliques, sensibles aux fleuves et aux ponts, striés de terreurs enfantines, les poèmes et la prose de Marilyn exhalent une odeur de nerfs brûlés, mais ils sont comme elle, à large spectre, et témoignent parfois d'un humour sidéral, telle cette espièglerie destinée à son ami le poète Norman Rosten, son lecteur privilégié:
«Norman si difficile à contenter
quand tout ce que je veux c'est taquiner
Si ça doit rimer
Pourquoi s'offusquer?
Après tout ce temps passé sur la terre»
En préface de Fragments, Antonio Tabucchi analyse assez prodigieusement la gentillesse de Marilyn. Il est moins probant quand il suppute que si elle avait été moins belle, elle n'aurait pas fait de cinéma, elle aurait publié ces textes, avant de se suicider comme Sylvia Plath. Marilyn n'a peut-être écrit que parce qu'elle était actrice, contre la pression du star-system et les malentendus induits par sa beauté, dans la position, comme l'écrit Norman Mailer, d'«un poète au coin de la rue essayant de réciter ses vers à une foule qui lui arrache ses vêtements».
Au printemps 1960, c'est une femme au bout du rouleau qui couche avec Yves Montand sur le tournage du Milliardaire et qui le fait savoir à la presse pour écœurer Miller. En juin, avant de démarrer Les Désaxés, radeau de la méduse carbonisé dans les sables du Nevada, John Huston craint le pire. Fin août, elle est hospitalisée, avant de reprendre le collier. Elle n'achèvera plus d'autre film.
Pas de secret d'Etat, des états d'âme. Dans les premiers mois de 1961, après son divorce d'avec Miller, elle écrit deux lettres, déjà publiées, avec quelques variantes, dans Marilyn dernières séances (3) de Michel Schneider. Dans la première, elle appelle à l'aide le couple Strasberg après la trahison du Dr Marianne Kris, la psy qui l'a fait boucler à son insu dans une «division psychiatrique», un «cauchemar», elle se voit «devenir folle», comme sa mère. La seconde est pour un autre psy, le Dr Ralph Greenson, alors qu'elle récupère dans un hôpital plus humain. Elle dit lire la Correspondance de Freud, et pleurer sur la photo d'un Sigmund paraissant «vraiment déprimé». En post-scriptum, elle évoque «Yves», dont elle n'a «aucune nouvelle», mais de qui elle garde «un souvenir fort, tendre, merveilleux».
Il n'y a rien dans ces Fragments sur ses rapports avec John Kennedy, si ce n'est peut-être une allusion dans la lettre à Greenson : «Lorsque j'ai prononcé le nom d'une certaine personne, vous avez lissé votre moustache et regardé le plafond. Vous devinez de qui il s'agit? Il a été pour moi (en secret) un ami très tendre.» S'il s'agit de Kennedy, un poème de la star, intitulé Sur les habits d'hôpital, en forme de cadavre exquis, résonne étrangement :
«Mon derrière
nu
pointe dans l'air
quand ce n'est pas volontaire (...) »
Au milieu des années 50, Kennedy fut opéré du dos. Dans sa chambre un poster, Marilyn debout sur la plage, en short, cambrée sur ses jambes écartées. Détail : le poster est fixé la tête en bas. Dans le sens de la tendresse kennédyenne.
Fragments ne révèle aucun secret d'Etat, seulement les états d'âme de Marilyn. On attend toujours la réapparition de son carnet rouge dit «carnet de secrets»(1) disparu dans les méandres de l'enquête après son improbable suicide, mais c'est une autre histoire. Pour l'instant, il y a cette panthéonisation littéraire qui nous rapproche d'elle intensément. En annexe, on a droit à un échantillonnage de sa bibliothèque: Hemingway, Conrad, Beckett, Flaubert, Camus, Steinbeck... Marilyn a dû souvent poser ses yeux sur ces couvertures : on dirait qu'elles nous regardent.
Fragments, Marilyn Monroe, édité par Stanley Buchthal et Bernard Comment, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Tiphaine Samoyault, préface d'Antonio Tabucchi, Seuil, 269 p., 29 € (en librairie le 7 octobre).
(1) Cité par Don Wolfe, dans Marilyn Monroe. Enquête sur un assassinat (Albin Michel), à qui l'on doit aussi l'anecdote sur le poster de Kennedy.