20/04/1959 - Some Like It Hot par Richard Avedon
Clichés publicitaires pour le film Certains l'aiment Chaud
Marilyn Monroe photographiée par Richard Avedon le 20 avril 1959
Marilyn porte la robe à strass de la première du film à Chicago.
Promo photoshoot for the movie Some Like It Hot
Marilyn Monroe photographed by Richard Avedon in April, 20, 1959
Marilyn wears the same strass dress as the Premiere in Chicago.
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Les hommes préfèrent les blondes vu par il était une fois le cinéma
Critique de Les hommes préfèrent les blondes
Article publié par Jean-Baptiste Viaud
en ligne sur iletaitunefoislecinema.com
Les Hommes préfèrent les blondes - (Gentlemen prefers Blondes, Howard Hawks, 1953)
Lorelei Lee. Sans doute son rôle le plus célèbre ; celui aussi qui la fit rentrer définitivement dans les bonnes grâces d’Hollywood. Avec "Les hommes préfèrent les blondes", Marilyn devient une actrice, une vraie.
Le film, tout le monde le connaît. Dorothy Shaw (Jane Russell) et Lorelei Lee (Marilyn, donc), deux amies chanteuses de cabaret, entreprennent une grande croisière de l’Atlantique pour rejoindre Paris, aux frais de Gus, le futur mari de Lorelei. Filées par un détective privé engagé par Gus, Dorothy et Lorelei vont faire tourner la tête des hommes le temps d’une traversée riche en rebondissements. Mais quelque quarante ans plus tard, ce qui reste du film, c’est surtout l’incroyable aisance avec laquelle Marilyn use des ressorts comiques et dramatiques pour installer son statut d’actrice blonde qui compte.

Cette savoureuse réplique viendrait directement de la bouche de Marilyn Monroe, qui l’aurait soufflée au scénariste des Hommes préfèrent les blondes, Charles Lederer. Il y a certes une part de légende autour du bon mot, mais la phrase détient certainement ce qu’il faut de vérité à la lumière des Fragments qui viennent de paraître. Ce personnage de blonde crucruche, Marilyn en joue tout au long du film, l’opposant à merveille à celui de Jane Russell, la brune flamboyante et plus intéressée par les corps huilés des athlètes olympiques présents à bord du paquebot que par l’or de richissimes magnats du pétrole. Marilyn/Lorelei, elle, préfère, les diamants. Et alors ? C’est l’une des grandes forces du film que d’oser affirmer (de manière presque amorale) la prévalence de l’argent sur celle de l’amour. Car, comme le relève fort justement son personnage, reste-t-il de la place pour l’amour lorsqu’il y a à s’inquiéter perpétuellement du manque d’argent ?
Pas si idiote, la blonde platine. Les studios voient en elle le symbole de la poule écervelée ? Peu importe : Marilyn en joue et en surjoue, face caméra et en dehors des plateaux (ses caprices sur le tournage ont failli avoir raison du film). On lui dit qu’elle n’est pas la star du film, elle rétorque « But I’m still the blonde » (mais c’est moi la blonde). Il fallait cette conscience de son attrait physique pour accepter camper une Lorelei à 1500 dollars par semaine, alors que sa partenaire Jane Russell obtiendrait un cachet de plus de 100 000 dollars. Sans doute le prix à payer pour faire valoir son statut d’artiste. Car Marilyn la blonde veut être parfaite, faille-t-il reprendre jusquà plus soif la fameuse scène de Diamonds are a girl’s best friend, ou se laisser aller à la panique des heures durant dans sa loge, soudain sûre de n’être pas à la hauteur. La romancière américaine Joyce Carol Oates, dans son roman-fleuve Blonde, sublime biographie rêvée de Marilyn, décrit avec minutie le perfectionnisme et les craintes de la star :
« Quarante minutes qu’elle était assise là, parfaitement coiffée, parfaitement maquillée, les yeux fixes dans sa superbe robe en soie d’un rose ardent, gantée jusqu’aux coudes, le haut de ses remarquables seins dénudé, et des bijoux fantaisie scintillants vissés à ses oreilles et autour de son cou ravissant. Et sa bouche-con, une perfection. Temps d’interpréter Diamonds are a girl’s best friend. »

Et elle l’interprétera, Diamonds are a girl’s best friend, après l’avoir répétée toute la nuit avec Jack Cole, tournée onze fois et enregistrée directement avec orchestre à sa propre demande. Même que la chanson deviendra la plus célèbre du film. Et même que la scène sera celle choisie par les télés du monde entier pour rendre hommage à Marilyn le jour de sa mort, le 3 août 1962.
Cette force de caractère se retrouve dans les personnages des Hommes préfèrent les blondes qui, sous des couverts de comédie musicale légère, prend peu à peu (à dessein ?) des teintes de gentil pamphlet féministe. Car ici, ce sont les femmes, brunes ou blondes, qui tirent les ficelles. Les hommes, sans cesse ridiculisés, sont relégués à leur simple statut de mâle sexué, et remplissent des fonctions primaires : athlétiques, à baiser ; riches, à dépouiller. Dorothy recherche la beauté plastique pour un plaisir immédiat ; quant à Lorelei, peu importe l’homme, pourvu qu’il soit bien né. Une manière peut-être de « dénoncer » le machisme ambiant de l’époque, dans des scènes qui tranchent audacieusement avec les trames scénaristiques d’autres films sur le même thème. Il était déjà surprenant de voir Howard Hawks aux manettes d’un musical (le seul de sa filmographie), plus habitué qu’il était aux films « virils » tels que Scarface, Rio Bravo ou Le grand sommeil ; on le voyait mal céder aux sirènes hollywoodiennes du pur film d’entertainment. Pourtant, Les hommes préfèrent les blondes faillit avoir raison de sa patience. Interrogé par les studios sur la manière d’accélérer le tournage du film, ralenti par le perfectionnisme capricieux d’une de ses actrices principales, il répondit : « Trois merveilleuses idées : remplacer Marilyn Monroe, réécrire le scénario et changer de réalisateur. » On sait aujourd’hui que ses recommandations ne furent pas prises à la lettre, et que Marilyn et Hawks remplirent leurs fonctions jusqu’au bout.
Joyce Carol Oates écrit bien le don qu’elle avait de s’emparer de son personnage :
« Monroe était impeccable. Une vraie professionnelle. Une fois qu’elle avait appris chaque mot, chaque syllabe, chaque note et chaque mesure, tout marchait comme sur des roulettes. Elle n’était pas un « personnage »… « un rôle ». Elle devait avoir la capacité de se voir déjà sur pellicule, comme une animation. Une animation qu’elle contrôlait de l’intérieur. Elle contrôlait la façon dont l’animation serait perçue par des inconnus, dans une salle obscure. Voilà tout ce qu’était Marilyn Monroe, sur pellicule : l’image animée que des inconnus verraient et adoreraient un jour. »