Les Echos Week-End
n°23749
pays: France
parution le vendredi 15 juillet 2022
Le supplément magazine vendu avec l'édition du journal le vendredi
Article de 7 pages
La vie « made in France » de Marilyn Monroe
> Par Sebastien Cauchon; en ligne sur lesechos.fr
On connaît le goût de Marylin pour le parfum français mais moins celui pour les cocottes Le Creuset ou encore les objets Baccarat. En matière de lifestyle, la superstar hollywoodienne la jouait made in France. En atteste ses factures et autres correspondances que se sont amusé à éplucher « Les Echos Week-End ».
Marilyn Monroe et Yves Montand, le 16 janvier 1960 à Hollywood,
lors du cocktail annonçant le tournage du « Milliardaire », film dont ils partagent l'affiche.
(© AFP)
On connaît la passion de Marilyn Monroe pour le 5 de Chanel et celle, plus fugace, qui la lia le temps d'un tournage à Yves Montand. Deux symboles de la France à travers le monde que l'icône hollywoodienne contribua sans doute indirectement à populariser une fois ses deux coups de coeur dévoilés au grand jour. Ce que l'on sait moins, c'est que dans l'intimité, ce symbole de la pop culture américaine des fifties, disparue il y aura tout juste soixante ans le 4 août prochain, aimait également s'entourer des grands noms de l'art de vivre à la française.
Née en 1926 d'une mère qui l'éleva à peine et d'un père qu'elle ne connut jamais, Norma Jeane Mortenson traversa l'enfance dans des conditions plus que modestes. Peu de chance que le soft power français ait alors croisé la route de cette enfant des quartiers périphériques de Hollywood. Vite mariée à 16 ans (pour échapper à l'orphelinat) avec un pur Yankee éberlué, elle l'abandonna rapidement pour embrasser une carrière de mannequin.
Quête d'excellence
Et c'est en se réinventant devant les caméras de la 20th Century Fox sous le nom de Marilyn Monroe que Norma Jeane connut le succès. Puis, très vite, l'ambition secrète de devenir une grande actrice et d'être reconnue en tant que telle. Est-ce cette quête d'excellence qui la poussa à accumuler les commodes Louis XV, les reproductions de Pierre Bonnard et Pierre-Auguste Renoir ou encore les ouvrages d'Albert Camus, Flaubert ou Proust ?
Marilyn se parfumant au Chanel N° 5, le 24 mars 1955, à l'hôtel « Ambassador » à New York.
© Ed Feingersh/Michael Ochs Archives/Getty Images
Loin d'être une pose, cet attrait pour le beau venu de France se retrouvait dans les objets du quotidien que la star choisissait avec soin, à mille lieues de l'image de la fille superficielle et rigolote, la fameuse « girl next door » que le studio s'efforça de vendre film après film avec un succès certain. Qui aurait cru que l'incarnation du glamour hollywoodien possédait une batterie de cuisine Le Creuset de huit pièces (dont deux cocottes) dans un délicat coloris jaune paille ? C'est ce que l'on découvre en octobre 1999 à la faveur de la très médiatisée vente aux enchères des effets personnels de la star organisée par la maison Christie's. Les observateurs attentifs savent pourtant que Marilyn n'a pas attendu la création du Comité Colbert (en 1954) pour succomber aux charmes du « made in France ».
N°5, Arpège et Joy
Folle du 5 et de ses notes d'aldéhydes, ylang-ylang, néroli, bergamote et citron, elle s'approvisionne régulièrement auprès des grands magasins de luxe tels I. Magnin à Los Angeles ou Saks à New York. Jusqu'à en posséder 26 flacons, selon la légende. Marilyn lui substitue ponctuellement deux autres best-sellers de la parfumerie française : Arpège de Lanvin ou Joy de Patou. Les actrices ne sont alors pas encore des égéries et paient sur leurs deniers propres, comme le confirment les nombreuses factures de ce type que l'on retrouvera parmi les effets personnels de la star après sa disparition.
Facture de parfum Chanel N° 5 acheté au grand magasin I. Magnin de Beverly Hills.
© Courtesy of Julien's Auctions
Marilyn succombe également dès ses débuts professionnels à un autre étendard du raffinement à la française : le champagne. Boisson officielle du septième art dont elle partage la blondeur et le caractère pétillant, elle en remplit les réfrigérateurs de ses diverses résidences successives (38 en seize ans, tout de même). Le Dom Pérignon 1953 avait clairement sa préférence : en juin 1962, Pat Newcomb, l'attachée de presse personnelle de la star, avait ainsi veillé à ce que le photographe Bert Stern en ait a minima trois bouteilles en stock pour sa séance prévue pour « Vogue ».
Une autodidacte au goût très sûr
Prévoyant, Stern s'était muni d'une caisse entière. « Le champagne ne coûtait alors que 11 dollars la bouteille, au lieu de 55 actuellement », écrivait-il en 1982 dans le récit de cette ultime séance. En 2022, la mythique cuvée est quasi introuvable et proposée à plusieurs milliers d'euros aux amateurs lorsqu'une bouteille vintage fait ponctuellement apparition sur le marché des collectionneurs fortunés.
Si Moët & Chandon peut s'enorgueillir d'avoir su séduire les papilles de la star avec son millésime 1953, Marilyn ne dédaignait pas pour autant les autres grandes maisons champenoises. Ses bons de commande ou encore ses notes de room-service pendant les tournages indiquent que le Piper-Heidsieck ou le Mumm Cordon Rouge trouvaient régulièrement grâce à ses yeux. Nulle trace de vulgaire « sparkling » californien dans ses factures, Marilyn Monroe était définitivement une autodidacte de goût, y compris dans le domaine vinicole.
Le bal « April in Paris »
Un goût très sûr et une quête d'excellence qui lui font fuir Hollywood en 1954 pour s'établir à New York. Elle y fonde sa propre maison de production en 1955 et épouse l'année suivante le dramaturge Arthur Miller. L'intelligentsia de la côte Est l'accueille à bras ouverts et Marilyn souhaite se réinventer, les conditions sont réunies pour que s'épanouisse son amour de la France.
Le champagne est l'un des raffinements à la française qu'adorait Marilyn,
avec un goût sûr pour les grandes maisons. © Ramey Agency/ABACA
Elle accepte ainsi avec plaisir l'invitation au bal « April in Paris » qui se tient au « Waldorf Astoria » le 11 avril 1957. Lancé cinq ans plus tôt par le futé manager français de l'établissement, un certain Claude Philippe, l'événement s'est imposé comme le raout mondain et caritatif de l'année auprès de la bonne société new-yorkaise.
Sous couvert de renforcer l'amitié franco-américaine, le dîner dansant est une magnifique opération de promotion des artistes français et des fleurons du savoir-faire hexagonal qui financent la soirée : Dior, Balmain, Givenchy, Cartier ou encore la Fédération nationale française de dentelles, tulles, broderies et passementeries. L'invitation est facturée 100 dollars (reversés à des oeuvres de charité) et donne aux participants fortunés bon pour une tombola dont les lots vont de la Renault Dauphine au cendrier de chez « Maxim's » !
Razzia chez Baccarat
Fidèle à sa légende, Marilyn arrive en retard, main dans la main avec Arthur Miller, avec qui elle ouvre langoureusement le bal sous les flashs des photographes. Lors du dîner, elle croise Gérard Philipe, Zizi Jeanmaire et Jean Marais.
On ignore si les représentants de la maison Baccarat sont présents ce soir-là, mais Marilyn va dévaliser peu après le showroom new-yorkais de la manufacture de cristal originaire de Meurthe-et-Moselle pour décorer son appartement du 444 East 57th Street où elle vient d'emménager avec Miller. Emblématique horloge Soleil (trônant au-dessus de la cheminée), carafes à décanter, chandeliers, verres à eau et à vin, candélabres… les pièces Baccarat affluent dans le grand appartement dont la star a fait recouvrir les sols de moquette beige et des pans de murs entiers de miroirs.
Facture d'une caisse de Dom Pérignon, le champagne préféré de Marilyn,
achetée en mai 1962, trois mois avant sa mort. © Ramey Agency/ABACA
La marque a, il est vrai, installé sa boutique « flagship » new-yorkaise à quelques mètres du domicile de l'actrice, au 55 East 57th Street. Une adresse à laquelle on trouve au premier étage la salle d'exposition de la maison Porthault. A l'en croire, celle-ci y aurait vendu ici même à Marilyn son linge de maison imprimé Coeurs rose issu des ateliers de Rieux-en-Cambrésis… Ce que l'on sait avec certitude, c'est que Marilyn fréquentait effectivement cette adresse, puisque le 25 novembre 1958, une facture en atteste, elle poussa la porte de la boutique Baccarat pour y faire l'achat d'un cendrier en cristal référence « numéro 33 » pour la somme de 180,25 dollars.
Une garde-robe monopolisée par Norman Norell
Etonnamment, peu de pièces de haute couture française dans la garde-robe de la star qui aspire alors pourtant à transformer son image et gommer les années pin-up de ses débuts. Deux raisons à cela. Tout d'abord, l'actrice privilégie dans l'intimité les tenues simples et confortables, empruntant si besoin au département costumes de la Fox les robes glamours le temps d'une soirée de gala. Ensuite, un homme veille sur ses tenues depuis son arrivée sur la côte Est et l'accompagne dans le processus de sophistication de la « nouvelle » Marilyn. Il s'agit du couturier Norman Norell, un ami des Greene, chez qui Marilyn a trouvé refuge après avoir quitté Hollywood.
Sur les conseils d'Amy Greene, Norell est mis à contribution pour renouveler la garde-robe de la star grâce à un ingénieux partenariat : il fournira ses créations gracieusement et prendra en charge une partie des frais du train de vie de la star (coiffeur, esthéticienne, manucure), et en contrepartie Marilyn portera du Norell pour toutes ses apparitions publiques, lui assurant ainsi une immense publicité. Oubliés les robes à noeuds fuchsia, les lamés or et les bustiers plongeants de soie rouge et dentelles. Norman Norell pare Marilyn d'une élégance minimaliste de bon ton.
Les tables laquées de « Mrs Miller »
Son influence s'étend au-delà du dressing puisque c'est lui qui joue les intermédiaires entre l'actrice et la maison Leleu. Fleuron des arts décoratifs français, Leleu crée alors du mobilier d'exception mêlant bois laqués, marbre, albâtre et bronze pour les grands de ce monde. Le 29 septembre 1959, la secrétaire de Marilyn Monroe adresse un courrier au siège parisien de la maison Leleu, avenue Franklin Roosevelt : « Messieurs, suite aux arrangements pris avec Mr. Norman Norell, veuillez trouver ci-joint un chèque d'acompte de 150 dollars pour trois tables laquées au nom de Mrs Arthur Miller. » La commande est précise, on indique que « la laque doit être de style numéro 1, comme indiqué sur les échantillons apportés par Mr. Norell ».
Correspondance échangée à l'occasion de la commande de trois tables gigognes
à la maison française Leleu. © Courtesy of Julien's Auctions
Fils du fondateur Jules, Jean Leleu s'empresse de lancer la livraison des trois tables gigognes destinées au salon de la plus grande star au monde. Le 6 octobre, il informe par retour de courrier « Mrs Miller » de la bonne réception de son acompte et de l'expédition de sa commande prévue « dans les premiers jours de décembre ». Il précise timidement : « Je me réjouis de savoir certains de mes meubles chez vous, même si ce sont de petites pièces. Vous pourriez être intéressée par nos produits et nos tendances, aussi je joins à ce courrier quelques pages de publications françaises à notre sujet. » Avant de s'enhardir : « Nous sommes reconnus comme des décorateurs d'exception spécialisés dans la fabrication de meubles modernes sur mesure. Notre savoir-faire est inégalé : c'est la raison pour laquelle nous avons été sélectionnés pour la décoration de nombreux navires de luxe, ambassades, résidences présidentielles, etc. » Et de tenter enfin sa chance : « Ce serait pour moi un plaisir de réaliser pour vous des esquisses personnalisées s'il vous arrivait d'avoir des résidences à meubler et décorer. »
Subjuguée par Yves Montand
Las, comme l'atteste l'épaisse correspondance conservée à ce sujet, les formalités de douanes vont compliquer et retarder la livraison de la caisse renfermant les fameuses tables. Et Marilyn ne renouvellera pas commande à la maison Leleu… Mais la France n'est jamais loin d'elle en cette année 1959. Quelques mois plus tôt, c'est en effet un artiste français qu'elle découvre sur les planches du Henry Miller Theater à Broadway. Le 21 septembre 1959, Marilyn assiste à la première du one man show « An evening with Yves Montand ». Subjuguée, et alors que Miller était retenu par son travail d'écriture, elle retourne avec lui voir le spectacle trois jours plus tard.
Le 16 janvier 1960, c'est à Hollywood que les couples Montand et Miller sont réunis pour une conférence de presse annonçant le début de tournage du film « Le Milliardaire » dont Marilyn et Montand se partagent l'affiche.
Les couples Marilyn Monroe-Arthur Miller et Yves Montand-Simon Signoret,
dans l'appartement de Montand au « Beverly Hills Hotel »,
durant le tournage du « Milliardaire », en 1960.
© Bruce Davidson/Magnum Photos
Comme si le titre original du film n'était pas assez prémonitoire (« Let's Make Love »), Marilyn déclare à la presse : « Après mon mari et ex aequo avec Marlon Brando, je trouve qu'Yves Montand est l'homme le plus séduisant que j'aie jamais rencontré. » Les couples Signoret-Montand et Monroe-Miller s'installent dans des bungalows voisins au « Beverly Hills Hotel » pour la durée du tournage et le photographe Bruce Davidson immortalise le temps d'un dîner la catastrophe annoncée dans un cliché devenu célèbre. Simone Signoret regarde Yves Montand qui regarde Marilyn qui regarde Arthur Miller qui regarde Yves Montand, un sourire crispé aux lèvres.
La suite est connue. Et si, dans l'un des numéros musicaux du film, Marilyn y susurre dans un français adorable « Mon coeur est à papa », en privé, son mariage avec Arthur Miller ne se relèvera pas de son « coup de foudre d'écolière » tel que Montand, en parfait goujat, qualifiera leur brève romance avant de rentrer à Paris.
Un Rodin dans le salon
L'épisode semble éloigner la France de Marilyn qui, en divorçant de Miller, déserte la côte Atlantique pour s'établir à nouveau à Los Angeles. C'est à Brentwood qu'elle achète en mars 1962 une hacienda de style espagnol qu'elle entreprend de rénover dans le plus pur style mexicain. Sans oublier toutefois d'équiper sa cuisine de casseroles en cuivre estampillées « Bazar de Paris » ou de décorer son salon quasi nu d'un bronze de Rodin, « La Main de Dieu », un achat d'impulsion à plus d'un millier de dollars.
Le 26 février 1959, au consulat de France à New York,
Marilyn reçoit l'Etoile de Cristal décernée par l'Académie française du cinéma
des mains de son président Georges Auric, en présence du consul, Raymond Laporte (à gauche).
© PAUL SLADE/PARISMATCH/SCOOP
Lorsqu'elle s'avance le 19 mai 1962, sur la scène du Madison Square Garden pour entonner « Happy Birthday » à John Fitzgerald Kennedy, Marilyn entre dans l'histoire du XXe siècle. Impossible pour l'assistance qui la regarde scintiller sous les projecteurs dans une robe de sirène, d'imaginer que dans trois mois elle succombera à une overdose de barbituriques. Tous ignorent également que cette robe hallucinante, portée pour son ultime apparition, est composée de gaze de soie grège (venue de France !) rehaussée de 2.500 cristaux cousus à la main. Et que son créateur, Jean-Louis Berthault, ancien chef costumier de la Columbia puis d'Universal Pictures désormais à son compte, était Français, né à Paris et sorti diplômé de l'Ecole des Arts décoratifs à la fin des années 1930.
Marilyn Monroe Estate, un business juteux
Lorsqu'elle meurt à 36 ans, en 1962, Marilyn Monroe laisse un testament dont les principaux bénéficiaires sont sa mère Gladys, sa demi-soeur Berniece, sa secrétaire May Reis et son professeur d'art dramatique Lee Strasberg. Une phrase va cependant permettre à ce dernier de rafler le vrai trésor caché de la succession. En plus de lui attribuer 75 % de la propriété intellectuelle qu'elle détenait sur certains de ses films qu'elle avait coproduits, à la clause 4 du document, l'actrice a en effet indiqué : « Je lègue tous mes effets personnels et vêtements à Lee Strasberg, mon souhait étant qu'il répartisse ces derniers comme bon lui semble entre mes amis, mes confrères et ceux à qui je tiens. » Lee va bien vider intégralement l'appartement de New York et la maison de Brentwood de la star. Mais, au mépris de la volonté exprimée, les milliers d'articles vont être stockés dans d'immenses garde-meubles new-yorkais et ne seront jamais redistribués aux proches et collègues de Marilyn. En 1982, Lee Strasberg meurt à son tour et sa seconde épouse, Anna Strasberg, qui n'a jamais connu l'actrice, hérite des biens et droits de la star. Elle charge l'homme d'affaires californien Roger Richman d'exploiter le nom et l'image de la star. Il développe la marque Marilyn Monroe de 1983 à 1995 en signant des contrats lucratifs, notamment avec les magasins Bloomingdale's. Mais, en 1996, Anna Strasberg remercie Richman et confie le Marilyn Monroe Estate à CMG Worldwide, qui règne sur le business des stars disparues et multiplie les contrats de licence.
En 1999, Anna Strasberg confie à Christie's le soin d'organiser la vente aux enchères des effets personnels de Marilyn. La vente du siècle permet à la veuve d'empocher un total de 13,4 millions de dollars, dont plus de 1,2 million pour la célèbre robe brodée de sequins du « Happy Birthday » à JFK.
Après une belle opération avec Le Seuil en 2010, à qui elle confie le soin de publier un recueil de textes et poèmes tirés des archives de Marilyn, Anna Strasberg cède en 2011 ses droits de propriété intellectuels liés à la star au groupe Authentic Brands pour un montant non communiqué estimé entre 20 et 30 millions de dollars.
Après les pièces nobles (costumes, robes griffées, scénarios annotés, mobilier, fourrures et bijoux), Anna Strasberg disperse régulièrement ce qu'il lui reste des effets personnels de Marilyn (dont une montagne de paperasse comptable) dans des ventes aux enchères. Spécialiste de la « memorabilia », la maison Julien's Auctions de Beverly Hills organise ainsi chaque été une vente intitulée « Hollywood Legends » où tout ce qu'a un jour touché Marilyn s'envole à prix d'or. Toaster, tube de rouge à lèvres et casse-noisettes inclus. La prochaine vente se tient ces 15 et 18 juillet (*) et offre aux collectionneurs (ou investisseurs) la possibilité de remporter, entre autres, un chèque signé en 1952 par Marilyn à la pharmacie Schwab's (estimé entre 3.000 et 5.000 dollars), une note manuscrite de dix lignes adressée à Lee Strasberg (estimation 6.000-8.000 dollars) ou encore un carreau de faïence issu de la salle de bains de la dernière demeure de la star (estimation 1.000-2.000 dollars).
(*) www.julienslive.com
Marilyn et la France, les occasions ratées
Francophile dans l'âme, Marilyn Monroe n'aura jamais foulé le sol français.
En juillet 1956, lorsqu'elle quitte les Etats-Unis pour l'Europe, c'est pour tourner en Angleterre « Le Prince et la Danseuse », adaptation d'une pièce de Terence Rattigan dont elle a acquis les droits, confiant la réalisation et le rôle principal à ses côtés à Laurence Olivier. Elle se promet de suivre son époux, Arthur Miller, qui doit faire un saut à Paris rencontrer Yves Montand et Simone Signoret qui adaptent « Les Sorcières de Salem ». Mais la mésentente entre Marilyn et Laurence Olivier plombe le tournage qui s'enlise à Londres, Miller ira seul à Paris.
Le 7 mars 1958, Simone Noir de chez Christian Dior pense savoir que Marilyn Monroe s'apprête à venir à Paris. Elle adresse un courrier à l'actrice lui indiquant qu'elle se réjouit de sa venue et qu'elle espère que Marilyn se rendra à la boutique Dior en dépit de son planning chargé. Naturellement, « nous pouvons venir vous montrer des modèles à votre hôtel », précise-t-elle, en joignant une liste de prix. Marilyn ne se rendra pourtant jamais au 30 avenue Montaigne. Et pour cause, invitée en avril 1958 par l'Académie française du cinéma à se voir décerner à Paris l'Etoile de Cristal de la meilleure interprète étrangère, elle recevra in fine son trophée le 26 février 1959… au consulat français de New York des mains du compositeur Georges Auric, venu pour l'occasion.
Quant au Festival de Cannes, s'il convie très officiellement Marilyn Monroe dès 1955 en s'adressant à son attaché de presse Rupert Allan puis à son associé Milton H. Greene, malgré tous les efforts déployés, chacune de ses tentatives fut hélas infructueuse.
En 1960, c'est Joséphine Baker, présidente du gala de l'Union des artistes, qui convie Marilyn à exécuter « devant le Tout-Paris » un numéro de cirque « insolite » à l'occasion du 30e anniversaire du gala. « Vous savez combien Paris vous aime et combien les acteurs français seraient fiers de vous accueillir », précise-t-elle dans sa lettre en français adressée au « Beverly Hills Hotel ». Sa destinataire notera sur un mémo en réponse son regret de ne pouvoir participer à l'événement le 4 mars 1960 pour cause de tournage d'un film. Marilyn en dompteuse, acrobate ou meneuse de revue sur la piste du Cirque d'Hiver Bouglione ? La France aurait en effet adoré.
Les objets personnels de Marilyn ont la cote
1. La robe « Happy Birthday à JFK » : 4,81 millions de dollars lors de sa seconde vente, le 17 novembre 2016, par Julien's.
2. Une bague platine et diamants offerte par Joe DiMaggio (qu'elle épousa en 1954) : 772.500 dollars chez Christie's.
3. Son piano d'enfance : 662.500 dollars chez Christie's.
4. Une robe portée dans « La Rivière sans retour » : 526.000 dollars chez Julien's.
5. Une lettre adressée par Joe DiMaggio en 1952 : 525.000 dollars chez Christie's.
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Jeudi 19 mai 2022 - 21h10 - NRJ12
Rediffusion: jeudi 26 mai 2022 à 23h00
disponible sur le replay de la chaîne
Reportage Magazine - Héritages
Marilyn Monroe: les héritiers préfèrent les blondes
Présentation: Jean-Marc Morandini
Pays: France
Année: 2022
Durée : 1h 50min
En août 1962, Marilyn Monroe, la star hollywoodienne, est découverte morte dans son lit à l'âge de 36 ans. Personne n'a oublié son personnage de blonde incendiaire dans "Les hommes préfèrent les blondes" ou encore "Certains l'aiment chaud". Son héritage va connaître un destin exceptionnel. Une femme va en devenir l'héritière : Anna Strasberg. Une femme qui n'a jamais connu Marilyn mais qui va transformer le patrimoine de la star en véritable empire. Comment cet héritage a-t-il atterri dans les mains d'une inconnue ? Quels rebondissements a connu la succession de Marilyn Monroe ?
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Télé Star
n°2380
pays: France
paru le 09/05/2022
programme semaine du 14/05 au 20/05/2022
prix: 1,70 €
Mention en couverture "Marilyn Monroe: son héritage remis en question !"
+ article de 1 page
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Marilyn Monroe, tout est à vendre
le 2/08/2012
Par Frédéric Joignot, envoyé spécial à New York
en ligne sur lemonde.fr
A gauche : Joe DiMaggio, le second mari de Marilyn, est absent du testament de la star.
A droite : les psychanalystes Dorothy Burlingham, Mariane Kris - qui obtient 25 % de la succession - et Anna Freud, dans les années 1970.
FREUD MUSEUM, LONDON | BETTMANN/CORBIS.
Marilyn Monroe rédige son testament le 14 janvier 1961, à 34 ans, à une période douloureuse de sa vie. Elle vient d'annoncer son divorce avec l'écrivain Arthur Miller. Le tournage des Désaxés, de John Huston, a été une épreuve : elle se disputait sans cesse avec son mari, prenait des barbituriques à haute dose. L'année précédente, Le Milliardaire, une comédie de George Cukor, avec Yves Montand, a fait un flop.
Certains journaux la disent finie. L'actrice s'est installée à New York pour suivre à nouveau les cours de théâtre de Lee Strasberg à l'Actors Studio. Le maître des lieux, qui a formé Marlon Brando, Montgomery Clift, James Dean ou Dustin Hoffman, et dont l'épouse, Paula, est devenue le coach de Marilyn, propose de la diriger dans Rain, un téléfilm pour la NBC adapté d'un roman de Somerset Maugham. Marilyn se prépare, écrit à Maugham pour approfondir son rôle. En attendant, désespérée par sa rupture avec Miller, elle consulte chaque jour sa psychanalyste, Marianne Kris.
Marilyn Monroe, entourée de l'artiste Sammy Davis Jr et du photographe Milton Greene, dont elle était proche, en décembre 1954.
| BETTMANN/CORBIS
Voilà pourquoi, peut-être, elle lègue alors, après distribution de sommes en liquide à ses proches et à sa demi-soeur Berniece Miracle, 50 % de ses biens, revenus et droits à Lee Strasberg, son mentor. 25 % vont à Marianne Kris, afin qu'elle "les emploie à faire avancer le travail de tout groupe ou institution psychiatrique de son choix". Les 25 % restants ou, au choix, 40 000 dollars, reviennent à sa secrétaire, May Reis. Sinon, n'ayant pas eu d'enfant et son père l'ayant abandonnée, elle laisse 5 000 dollars par an "pour l'entretien et le soutien financier" de sa mère, Gladys Baker, internée dans un hôpital psychiatrique.
Ce testament est contesté aussitôt après sa mort. La conseillère financière de Marilyn Monroe, Inez Melson, qui ne reçoit rien, affirme, en octobre 1962, que l'actrice était "sous l'influence invalidante" des Strasberg et de son analyste. Mais elle est déboutée par le juge Samuel Di Falco, qui entérine le testament.
Aujourd'hui encore, sur le site Marilynmonroe.family.com, ses cousins parlent d'une manipulation de ses dernières volontés par ses proches, alors qu'elle était au plus mal. Plusieurs de ses biographes soutiennent qu'elle allait les modifier, au vu des événements qui ont suivi...
Lee Strasberg et Marilyn Monroe
PETER BASCH
En février 1961, le projet Rain avec Lee Strasberg s'écroule. Effondrée, l'actrice s'assomme aux barbituriques. Craignant qu'elle ne se suicide, Marianne Kris la fait admettre à la Payne Whitney Clinic, à Manhattan, où elle est placée en cellule de sécurité. Quand elle constate qu'elle est enfermée, Marilyn Monroe fait une crise de désespoir, casse une fenêtre, demande à sortir. Les médecins la menacent de la camisole de force. Elle fait passer un message à Lee Strasberg par une infirmière : "Le Dr Kris m'a fait enfermer sous la surveillance de deux imbéciles (...). Je suis enfermée avec les cinglés. Je suis sûre de finir comme eux si ce cauchemar se poursuit. Je vous en supplie, aidez-moi." Mais c'est l'ancien joueur de baseball Joe DiMaggio, son deuxième mari, qui, joint par Marilyn, la fait libérer. Il la place dans un centre ouvert, reste près d'elle. Selon Donald Spoto, son biographe le plus sérieux, ils envisageaient de se remarier.
Après cet épisode, l'actrice ne demandera plus jamais l'aide de Marianne Kris et, d'après plusieurs sources, elle fit savoir à son avocat, Milton Rudin, qu'elle souhaitait modifier son testament. Voilà pourquoi beaucoup s'étonnent que la psychanalyste hérite, que Joe DiMaggio, de retour dans sa vie, n'ait rien ou encore que Lee Strasberg reçoive la majeure partie de l'héritage. Selon Patricia Bosworth, du magazine Vanity Fair, Marilyn aurait confié la veille de sa mort au photographe Milton Greene, longtemps son ami et manager, qu'elle pensait que les Strasberg la manipulaient.
Marilyn Monroe décède dans la nuit du samedi 4 août 1962 d'un empoisonnement aigu aux barbituriques. Elle a 36 ans. En dehors de ses droits et royalties, ses biens sont estimés à 92 781 dollars. Ils sont distribués comme le stipule son testament. Ses effets personnels sont pieusement conservées par les Strasberg, qui pensent que ceux-ci rejoindront un jour un musée du cinéma.
Quand, en 1982, Lee Strasberg meurt, sa veuve et seconde femme, Anna, qui n'a jamais connu Marilyn, se retrouve à la tête du Lee Strasberg Theater Institute fondé par son mari, et de la majeure partie de l'héritage Monroe. Peu connue du grand public, Anna Strasberg s'érige aussitôt en stratège de l'exploitation de la marque et de l'image Marilyn Monroe. D'après Nathan Koppel, expert financier au Wall Street Journal, elle "lance son entreprise de licences et de publicité quelques mois à peine après la mort de son mari".
Anna Strasberg, l'héritière, qui n'a jamais connu Marilyn Monroe, fait la promotion du livre « Fragments », à Francfort, en Allemagne, en 2010. EPA/CORBIS | ULI DECK/
Il faut comprendre qu'en ces années 1980, les budgets de communication des marques explosent. Elles cherchent des égéries, des icônes, des stars avec lesquelles s'associer. Marilyn Monroe est l'une d'elles. Anna Strasberg comprend vite que les royalties de l'actrice sont peu lucratives au regard de ce que pourraient rapporter ses droits à l'image. Les artistes eux-mêmes se sont inspirés de l'icône Marilyn Monroe. En 1954, Willem De Kooning peint une Marilyn aux traits déformés. En 1965, Richard Hamilton exécute My Marilyn, un collage photos. En 1967, c'est au tour d'Andy Warhol de produire plusieurs sérigraphies qui seront vendues dans le monde entier. En 1971, Salvador Dali réalise une lithographie intitulée Mae West, Marilyn Monroe, Mao. En 1982, la photographe américaine Cindy Sherman s'autoportraitise en Marilyn à peine maquillée...
Durant les années qui suivent, de fructueux contrats pleuvent. Les grands magasins Bloomingdale's ouvrent une boutique "Marilyn Monroe" à New York, Absolut Vodka lance un spot de télévision, la société de cosmétiques Revlon récupère son image, un clip pour le parfum Chanel no5 est tourné, même la griffe Nike s'accapare Marilyn sur ses baskets. D'après le Wall Street Journal, la marque "Marilyn Monroe" rapporte 7,6 millions de dollars à Anna Strasberg entre 1983 et 1993.
QUELLE IMAGE GARDER DE MARILYN ?
Dès lors, comment continuer à faire fructifier cette manne jouant sur l'image et la légende de l'actrice ? Quels souvenirs l'actrice laisse-t-elle dans les mémoires ? Comment la présenter dans des publicités ou sur des produits commerciaux ? Quelle Marilyn Monroe est la plus vendeuse ? La blonde allumeuse de ses débuts ? La star glamour venue souhaiter, le 19 mai 1962, bon anniversaire au président John F. Kennedy, son amant ? Ou l'actrice inquiète de l'Actors Studio ?
Lawrence Schiller, 76 ans, a photographié Marilyn nue sur le bord de la piscine lors du tournage du film Something's Got to Give, abandonné en 1962. Selon lui, "le grand public aime le personnage "Marilyn", la blonde sexy et faussement ingénue que Monroe a inventée de toutes pièces. Quand elle a décidé de poser nue, je lui ai dit : "Vous êtes célèbre, vous allez me rendre célèbre." Elle m'a répondu : "Ne soyez pas insolent, les photographes se remplacent facilement." Pour chaque photo, elle devenait Marilyn, avec son sourire lumineux, sa féminité irrésistible. Ensuite, elle demandait à voir tous les tirages et en éliminait les trois quarts". Pour Schiller, Marilyn Monroe "jouait son va-tout" en posant nue. La Fox voulait la licencier, Liz Taylor était mieux payée qu'elle. "On découvre combien elle est encore belle. Pourquoi personne n'oublie-t-il Marilyn Monroe ? Elle a créé sa propre icône. Elle savait prendre la lumière comme aucune autre star."
Un exemplaire du premier numéro du magazine « Playboy » (1953) - avec, en couverture, Marilyn Monroe photographiée par Milton Greene - s'est vendu 31 070 dollars en 2010. | PLAYBOY
Les photos au bord de la piscine ont consacré Marilyn comme la bombe platine à la chair nacrée qui efface Lana Turner et Jean Harlow. C'est cette Marilyn-là qu'Anna Strasberg va vendre en série dans les années 1990. En 1996, elle s'associe avec Mark Roesler, le PDG de CMG Worlwide - qui gère les droits intellectuels pour utiliser des photos de célébrités. L'homme s'est fait connaître dans les années 1980 en envoyant des détectives privés rechercher les familles des stars décédées. C'est ainsi qu'il a récupéré les droits de Bette Davis, James Dean, Ava Gardner, Robert Mitchum, Gene Tierney, Ingrid Bergman, Jane Mansfield, Jane Russell... Il a emporté le marché Marilyn Monroe en promettant à Anna Strasberg 1,1 million de dollars de gains annuels en licences.
Les années suivantes, 700 contrats industriels et publicitaires utilisant l'image de Marilyn sont signés, jouant sur son sex-appeal. La star est représentée, souvent en petite tenue, sur des centaines de milliers d'objets et gadgets de toutes sortes. Mugs, cendriers, stylos, briquets, jetons de casino, vaisselle, literie, lingerie, tee-shirts, sacs, meubles, poupées, queues de billard, stores, tablettes de chocolat, bouteilles de vin (le "Marilyn merlot", le "sauvignon Blonde"). Parfois, c'est n'importe quoi. Une ligne de vêtements roses pour animaux a pour slogan "Les diamants sont les meilleurs amis du chien", des préservatifs à l'effigie de Marilyn sont mis en vente...
Paul Morizet, de Greenlight - filiale de la banque d'images Corbis -, croit, qu'à force, Anna Strasberg a dégradé l'image de la star. Il s'est occupé du film publicitaire Dior tourné, en 2011, par Jean-Jacques Annaud au château de Versailles avec Charlize Théron. Des doubles de Grace Kelly, Marlène Dietrich et Marilyn Monroe y apparaissent quelques secondes. "Nous gérons les images de Steve Mc Queen et Maria Callas. Il est décisif de ne pas galvauder la symbolique d'une star disparue. Le problème, avec Marilyn Monroe, c'est que son image a été trop vendue dans des produits bas de gamme. Elle a beaucoup perdu en image de marque. Résultat, une star vivante vaut beaucoup plus cher qu'elle. Elle ne reprend une valeur publicitaire que depuis deux ans", dit-il.
Si l'image de l'actrice est écornée, les licences la concernant rapportent gros. Entre 1996 et 2000, selon le Wall Street Journal, Anna Strasberg reçoit 7,5 millions de dollars de la CMG. C'est l'époque, écrit le journal économique, où "Anna Strasberg pense et gère l'image de Mme Monroe dès qu'elle se réveille". Elle cherche à récupérer les droits qui lui manquent, les 25 % légués à Marianne Kris. Avant de mourir, en 1980, la psychanalyste les a transmis à l'Anna Freud Centre de Londres, une clinique psychiatrique qui se servira de cet argent pour créer une unité thérapeutique "Marilyn Monroe" pour enfants en difficulté. Anna Strasberg va tenter, en vain, de racheter ces parts.
En 1999, l'héritière arrondit son pactole en mettant aux enchères les affaires personnelles de l'actrice chez Christie's, à New York. La vente de ses effets, près de 1 000 pièces, ses livres, ses meubles, ses robes rapportent 13,4 millions de dollars, quadruplant les estimations. Cette vente aux enchères a heurté beaucoup de gens. Les héritiers des grands photographes de Marilyn, ceux qui ont popularisé son image (Milton Greene, Tom Kelley, Sam Shaw) se disent choqués, et dénoncent l'âpreté au gain d'Anna Strasberg ainsi que la dégradation de l'image de Monroe.
La robe blanche que la star portait dans « Sept ans de réflexion », de Billy Wilder, en 1955, s'est vendue 4,6 millions de dollars, à Berverly Hills, le 18 juin 2011. | REX FEATURES/SIPA
Au départ pourtant, la plupart d'entre eux apprécient les contrats de licence, en signent eux-mêmes, profitant de la manne. Selon The Wall Street Journal, Larry Shaw, fils de Sam, a amassé 100 000 dollars par an dans les années 1990 grâce aux droits de publicité sur Marilyn. De même, Tom Kelley Junior, dont le père a fait, en 1949, le premier nu de Marilyn (payé 50 dollars), a perçu 300 000 dollars. Les choses se gâtent dans les années 2000, lorsqu'Anna Strasberg s'arroge l'essentiel des dividendes. Joshua Greene, le fils de Milton, a déclaré au quotidien britannique The Telegraph : "Anna Strasberg et la CMG étaient seulement intéressés par l'argent. Au lieu de travailler avec nous, ils nous ont attaqués en tant que photographes, prenant 90 % des accords de licence. Nous avons même dû nous battre pour que les photos soient correctement créditées." Mark Roesler, de CMG, tout comme le service communication de l'entreprise, ont refusé de répondre à nos questions sur ces critiques.
Excédés, les trois héritiers des photographes Greene, Kelley et Shaw déposent, début 2007, un recours commun pour remettre en cause la propriété de l'image de l'actrice par Anna Strasberg. Pour cela, ils vont jouer sur les contradictions du droit américain. Selon leurs avocats, quand Marilyn Monroe homologue son testament, en janvier 1961, elle habite Manhattan. Or, aux Etats-Unis, les droits de publicité constituent un véritable maquis juridique. Dans l'Etat de New York, les descendants d'une célébrité n'ont pas le droit d'en hériter. Autrement dit, si la Marilyn de 1961 était jugée "résidente new-yorkaise" par une cour, ses droits de publicité après sa mort seraient nuls et non avenus. Anna Strasberg n'aurait pas le droit de les exploiter.
L'avocat adverse, Me Wegner, riposte fin 2007. A son décès, Marilyn Monroe se considérait comme californienne. Or, en Californie, la loi reconnaît la cession post mortem pour toute star décédée depuis 1938. Conclusion : Marilyn Monroe pouvait céder ses droits de publicité aux Strasberg.
En septembre 2008, la cour de district de New York a reconnu la demande des photographes lésés, qu'elle a libérés de la tutelle d'Anna Strasberg et de la CMG. Les titulaires de licence peuvent désormais traiter directement avec eux. Mark Roesler, le PDG de la CMG, qui a perdu là un marché décisif - Forbes Magazine estime à 7 millions de dollars les droits photographiques versés pour Marilyn en licences -, a parlé d'"une décision ridicule", et a fait appel. Ce procès a coûté très cher à toutes les parties. Selon The New York Times, Anna Strasberg a investi 100 000 dollars pour tenter de faire modifier la législation sur les droits de publicité à Albany, capitale de l'Etat de New York. Elle a été condamnée à 200 000 dollars d'amende dans un tribunal de Manhattan pour "manigances inacceptables".
Poussons à présent la porte du Lee Strasberg Theater Institute, un petit édifice peint de couleurs vives sur la 15e Rue, à New York. "Mme Anna Strasberg ? Non, elle n'est pas là. Mais je vais voir si la directrice, Victoria Krane, peut vous recevoir." A deux pas de la réception, on découvre un émouvant petit "Marilyn Monroe Theater" où les étudiants d'art dramatique répètent - ils aiment l'actrice de Niagara (1953) et Troublez-moi ce soir (1952), la Marilyn criminelle et malsaine qu'elle jouait si bien, aussi ! Dès qu'elle apprend que je cherche à joindre sa patronne, Victoria Krane décline tout entretien. J'insiste. Les jours suivants, je reçois deux mails secs. Tous deux m'indiquent qu'Anna Strasberg sera absente de New York jusqu'en septembre. Inutile de chercher à la rencontrer.
C'est Paul Newman qui a présenté Anna Mizrahi, 28 ans, une jolie actrice de Broadway montée à Hollywood, à Lee Strasberg, 66 ans, en 1967. Un an plus tard, ils se marient, et s'installent dans une belle maison à Brentwood, Los Angeles. Deux enfants naissent bientôt, Adam et David. L'actrice Susan Strasberg, la fille de Lee et de Paula, dans des Mémoires non publiés dont Vanity Fair a donné des extraits, parle d'une période heureuse - beaucoup d'acteurs passaient chez eux, Al Pacino était l'ami de la famille. Mais des dissensions naissent bientôt à propos de la gestion des instituts Strasberg. Le premier fils de Lee, Johnny, s'occupe de celui de New York. En 1978, il demande à toucher des dividendes de l'affaire. Son père et Anna Strasberg refusent. Elle le juge incompétent, refuse de le rencontrer. Johnny quitte l'institut. En juin 2003, il déclare à Vanity Fair : "Nous étions devenus deux familles, celle d'Anna et la nôtre."
Quand, en février 1982, Lee Strasberg meurt d'une crise cardiaque au Radio City Music Hall, l'essentiel de son héritage revient à Anna et à ses enfants. Johnny et Susan ont été déshérités. Les années qui suivent, Anna Strasberg prend la direction des instituts et récupère, après une bataille juridique, toutes les archives de l'Actors Studio. En 1988, elle viendra en aide à Susan et à sa fille Jenny, quand elles se trouveront sans argent. Susan demandera 1 % de la succession Monroe. En vain. Dans Vanity Fair, Anna Strasberg déclare : "Toute histoire a toujours deux versants."
Un écrivain et éditeur français, Bernard Comment, qui dirige la collection "Fiction & Cie" des éditions du Seuil, a rencontrée plusieurs fois Anna Strasberg. Il présente l'autre versant, parle d'une vieille femme cultivée, pleine d'humour, très élégante, attachée à préserver l'art dramatique de son mari, et relativise sa réputation de férocité en affaires. La manière dont elle l'a choisi pour publier le livre Fragments (Seuil, 2010), composé à partir des carnets intimes de Marilyn Monroe, en témoigne.
En octobre 2008, invité par le rocker Lou Reed - qu'il a publié au Seuil - à un dîner privé de collectionneurs d'art, Bernard Comment se voit aborder par un proche d'Anna Strasberg. Elle aurait découvert des textes de Marilyn qu'elle aimerait montrer à un éditeur "littéraire". Deux mois plus tard, l'écrivain arrive avec vingt minutes de retard dans un grand appartement new-yorkais. Anna Strasberg, 68 ans, moque gentiment son retard - elle le compare à Marilyn - et lui présente sept ou huit textes de l'actrice. "Je ne pouvais pas les toucher, j'ai eu à peine le temps de lire quelques extraits. Je repère qu'il y a un poème, des pleines pages, des notes... Je lui dis qu'il faudrait réaliser un livre d'auteur, signé, pas un "beau livre"..." Puis il précise aussitôt qu'il n'a pas d'argent. Enfin, très peu. Contre toute attente, Anna Strasberg se montre satisfaite. "Elle m'a dit qu'elle attendait depuis des années qu'on lui tienne un tel discours. Elle voulait avant tout mettre en valeur ce trésor. Un grand éditeur de presse américain était venu la trouver avant moi. Voyant les textes, il avait fait glisser un chèque en blanc sur la table. Elle avait décliné l'offre."
Dans les mois qui suivent, Bernard Comment revient plusieurs fois à New York pour travailler sur le futur livre. Finalement, l'ouvrage est accepté, les droits vendus. "Nous sommes loin d'une somme à six chiffres, dit-il. Ce qui est dérisoire." Il ajoute qu'Anna Strasberg lui a demandé des listes d'éditeurs littéraires dans toute l'Europe. Elle a demandé à chacun d'entre eux une lettre de motivation.
En France, selon l'éditeur, Fragments s'est vendu à 100 000 exemplaires. Autant en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis. Le livre nous fait découvrir une Marilyn triste, doutant d'elle-même. Elle écrit : "Mon travail est le seul espoir fiable que j'ai", ajoutant : "Seule !!!!! Je suis seule. Je suis toujours seule quoi qu'il arrive." Plus loin encore : "Je sais que je ne serai jamais heureuse, mais je peux être gaie !" L'écrivain Antonio Tabucchi, qui préface Fragments, parle d'une "Joconde" contemporaine, précisant : "A l'intérieur de ce corps vivait l'âme d'une intellectuelle et poète dont personne n'avait le soupçon." Ces textes bouleversants retournent complètement l'image de la starlette écervelée.
Selon Bernard Comment, c'est ce que voulait Anna Strasberg. Au cours de leurs discussions, elle a laissé transparaître qu'elle avait été dépassée par cet héritage. Il lui fallait, pour conserver les affaires de Marilyn, louer des garde-meubles climatisés, prendre des assurances exorbitantes. Elle ne pouvait pas contrôler les millions d'objets qui ont déferlé sur le marché. Plusieurs fois, elle a essayé. Quand Larry Shaw, le fils du photographe, a dénoncé un téléphone gadget où la robe de Marilyn se soulevait à chaque sonnerie, elle a contacté l'industriel pour protester. On lui a dit que la statuette portait une culotte. Que faire ? Anna Strasberg devait encore maintenir en vie les écoles de New York et de Los Angeles, l'héritage de son mari, où plusieurs générations d'acteurs ont appris "la méthode" héritée de l'Actors Studio : Alec Baldwin, Laura Dern, Matt Dillon, Bridget Fonda, Ray Liotta, Robert de Niro, Mickey Rourke, Uma Thurman, Christopher Walken. Sans compter le financement des nombreuses bourses que l'institut a distribuées.
Dans les années 1990, 700 contrats de licences sont signés pour utiliser l'image de la star. | DR
En janvier 2011, à 73 ans, lasse des procès à répétitions, Anna Strasberg a rompu son contrat avec CMG Worldwide pour vendre la quasi-totalité de ses droits sur Marilyn à une nouvelle société, Authentic Brand Group (ABG). La négociation a duré six mois. La presse économique américaine a avancé deux prix : 25 et 50 millions de dollars. Un dirigeant d'ABG, James Salter, a déclaré au New York Post : "Nous voulons en finir avec les babioles et le trash." Le choix sera celui de "l'élégance, l'élégance, l'élégance", même s'il précise : "Marilyn était une femme élégante, mais elle n'était pas droite comme un crayon."
Dans les bureaux d'ABG, à New York, d'immenses photos de Marilyn habillent les murs. Le responsable du marketing, Nick Woodhouse, 35 ans, explique la nouvelle stratégie : "Nous pensons que Marilyn n'était pas à sa place. Elle était au-dessous de ses capacités comme icône glamour. Nous travaillons à lancer une joaillerie Marilyn, comme a commencé à le faire Chopard à Cannes, des parfums, de la lingerie, de la mode Marilyn... Dolce & Gabbana a développé des tee-shirts à 200 dollars ainsi qu'une ligne de cosmétiques où Scarlett Johansson pose en Marilyn."
La nouvelle Marilyn Monroe vaut-elle cher ? "C'est une marque premium". Vont-ils continuer à vendre des gadgets ? "Nous ne voulons plus de vulgarité. Mais l'extraordinaire avec Marilyn, c'est qu'elle séduit autant les camionneurs que l'élite, de Tokyo à Vancouver. Nous allons développer des campagnes haut de gamme mais aussi plus populaires. Nous venons de lancer sa page Facebook. Elle rassemble déjà plus de trois millions de fans."
Megan Hilty et Katharine McPhee, les deux actrices aspirant au rôle de Marilyn dans la série américaine « Smash » (TF1). | DREAMWORKS TV/STORYLINE ENTERTAINMENT/UMS/THE KOBAL COLL./AFP
Pour convaincre ses futurs clients, Nick Woodhouse a rassemblé l'actualité récente consacrée à la star. C'est impressionnant... Elle souffle une bougie sur l'affiche du dernier Festival de Cannes. Elle inspire le film My Week With Marilyn, de Simon Curtis, sorti en avril. Brad Pitt confirme vouloir produire Blonde avec Naomi Watts, un film tiré du roman de Joyce Carol Oates (2000). Steven Spielberg et la chaîne NBC ont lancé le feuilleton télévisé "Smash", diffusé sur TF1 en juillet, qui raconte la création d'une comédie musicale d'après la vie de Marilyn. Angelina Jolie a été pressentie pour l'interpréter aux côtés de George Clooney dans Maf the Dog, tiré du roman d'Andrew O'Hagan's ("Maf" ou "Mafia" est le nom du chien offert par Franck Sinatra à Marilyn).
Le distributeur américain Entertainment One prépare une série d'émissions de télé-réalité sous le titre "Finding Marilyn" ("Chercher la nouvelle Marilyn").
Après avoir occupé les couvertures des magazines pour le 50e anniversaire de sa mort, Marilyn Monroe continue d'inspirer livres, films, séries et shows. Pourquoi nous séduit-elle toujours ? Nous émeut-elle encore ? Edgar Morin a magistralement analysé, dans Les Stars (Seuil, 1972), comment Marilyn Monroe est devenue "la première star au-delà du star-system", l'actrice désemparée dont les échecs artistiques, le mal-être et la mort brutale déchirent le mythe d'un Hollywood de rêve.
Aujourd'hui, des studios réfléchissent à une "virtual Marilyn" en 3D, un hologramme permettant de lui faire jouer de nouveaux rôles. Le fantôme de Marilyn Monroe n'a pas fini de nous hanter.
Girl waiting: Dessins, esquisses
Auteurs: Anna Strasberg, Bernard Comment
Prix éditeur: 22 Euros
Date de sortie: mai 2012
Broché: 64 pages
Editeur : Seuil
Langue : français
ISBN-10: 2021082601
ISBN-13: 978-2021082609
Ou le trouver ? sur seuil.com et sur amazon.fr
Présentation de l'éditeur: Peu de temps après son arrivée à New York en 1955, Marilyn Monroe se met à faire des dessins. Les voici réunis en un volume, qui permet de découvrir une autre facette de sa personnalité et de son univers. Comme dans l’écriture, elle veut exprimer ce qu’elle ressent dans l’instant, pour fixer une expression ou un geste, arrêter l’insaisissable, avec une grande sincérité et une troublante immédiateté.
En complément, on trouvera une série de photographies inédites réalisées par le cinéaste Joshua Logan au soir du dernier jour de tournage de Bus Stop. La star prend la pose devant quelques tableaux de grands peintres, de Bonnard à Picasso en passant par Manet.
Un double trésor enfin révélé.
Édité par Anna Strasberg et Bernard Comment.
* Mon Avis en Bref... 4/10
Je l'ai simplement feuilleté en librairie: rien d'intéressant dans ce livre... Rapport qualité/prix= Nul (22 euros pour 64 pages ! d'autant plus que la qualité du papier est plutôt médiocre, assez fin et aspect papier journal). Les auteurs ont cherché à "combler" les pages: une page photo de Marilyn devant une oeuvre d'art, et l'oeuvre d'art reproduite (en tout petit format) la page d'en face. Livre sans intérêt... dommage.
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