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Eli Wallach, le « Truand » de Sergio Leone, est mort
article publié sur lemonde.fr
par Isabelle Regnier - le 25 juin 2014
En 2010, alors qu'il remettait à son vieil ami Eli Wallach un Governors Award pour l'ensemble de sa carrière, Clint Eastwood saluait le dernier acteur vivant de Baby Doll, d'Elia Kazan, et des Désaxés, de John Huston. Avec une malice inquiète, il ajoutait qu'il était également l'un des deux derniers survivants du casting de Le Bon, la Brute et le Truand, posant implicitement la question de celui d'entre eux deux qui partirait le premier. La réponse est tombée hier, quand le New York Times a annoncé la mort d'Eli Wallach. Celui qui reste identifié dans la mémoire collective à Tuco, le truand comique et pas bien futé du western de Sergio Leone, s'est éteint le 24 juin 2014, à l'âge de 98 ans.
Né à Brooklyn en 1915, dans une famille juive d'origine polonaise, Eli Wallach s'initie au théâtre après avoir obtenu un diplôme d'histoire à l'université du Texas et un master en éducation au City College de New York. Engagé dans l'armée américaine pendant la seconde guerre mondiale, il officie comme sergent dans un hopital militaire à Hawaï, avant d'être envoyé comme second lieutenant à Casablanca et en France. La petite histoire retient que pendant ce séjour en France, il écrit et met en scène avec quelques camarades une pièce parodique sur l'armée, dans laquelle il s'attribue le rôle de Hitler.
L'AMI DE MARILYN MONROE
De retour aux Etats-Unis, Eli Wallach prend des cours de théâtre avec Erwin Piscator, et intègre, dès sa création, en 1947, l'Actors Studio. Sous la direction de Robert Lewis, il joue aux côtés de Marlon Brando, de Montgomery Clift, de Sidney Lumet, fait la connaissance d'Anne Jackson, actrice de théâtre, qui deviendra bientôt sa femme et avec qui il aura trois enfants, devient ami avec Marilyn Monroe. En 1945, il fait ses débuts à Brodway. Six ans plus tard, sa performance dans The Rose Tatoo, de Tennessee Williams, lui vaut un Tony Award. Entre-temps, il a commencé à travailler pour la télévision, qui lui fournira régulièrement des emplois jusqu'à la fin de sa carrière. Dans son autobiographie, l'acteur écrit d'ailleurs que le personnage de Mr. Freeze, qu'il joua dans une série Batman dans les années 1960, lui a valu plus de courriers de fans que tous ses rôles réunis.
C'est Elia Kazan, cofondateur de l'Actors Studio, qui lui donne son premier rôle au cinéma, celui de Silva Vacarro dans Baby Doll (La Poupée de chair, 1956), riche propriétaire terrien et prédateur pervers qui séduit la jeune épouse encore vierge (Carroll Baker) du pauvre Archie Lee (Karl Malden). Ce rôle, qui lui vaut le prix du meilleur espoir masculin de la BAFTA (British Academy of Film and Television Arts), est le point de départ d'une longue carrière sur grand écran, qui le cantonnera le plus souvent aux personnages secondaires. S'il papillonne dans tous les genres, circulant même, dans les années 1970, entre les Etats-Unis et l'Europe, il se spécialise dans les personnages tordus, antipathiques, tendant parfois vers le grotesque.
TRAFIQUANT PSYCHOPATHE
En 1958, Don Siegel lui offre le rôle d'un trafiquant d'héroïne psychopathe dans The Lineup. Il sera ensuite Calvera, le chef des pillards contre lesquels se rebiffent les villageois mexicain dans The Magnificent Seven (Les Sept Mercenaires, 1960), de John Sturges, et Guido dans The Misfits (Les Désaxés, 1961), de John Huston, aux côté de Marilyn Monroe, de Clark Gable et de Montgomery Clift.
On le verra encore dans Lord Jim (1965), de Richard Brooks, aux côtés de Peter O'Toole, qu'il retrouve l'année suivante dans How to Steal a Million (Comment voler un million de dollars, 1966) de William Wyler, juste avant d'embarquer pour l'Espagne, où il tourne dans Il Buono, il Brutto, il Cattivo (Le Bon, la Brute, et le Truand, 1966), de Sergio Leone.
Une brouille avec Sergio Leone mettra un terme à leur collaboration, mais l'acteur tournera encore une série de westerns spaghettis — Les Quatre de l'Ave Maria (I quattro dell'Ave Maria, 1968), de Giuseppe Colizzi ; Et Viva la Revolution! (¡Viva la muerte... tua!, 1971), de Duccio Tessari ; Le Blanc, le Jaune et le Noir (Il bianco il giallo il nero, 1975), de Sergio Corbucci — et de films italiens — Jo le fou (Crazy Joe, 1974), de Carlo Lizzani ; Attenti al buffone (1975), d'Alberto Bevilacqua. A la même époque, il joue un mafieux italien dans Le Cerveau, de Gérard Oury (1969), qui deviendra un des incontournables du cinéma du dimanche soir à la télévision française.
La fin de sa carrière cinématographique fut ponctuée d'apparitions dans quelques grands films comme Le Parrain III (The Godfather: Part III, 1990), de Francis Ford Coppola, Mystic River (2003), de Clint Eastwood, ou plus récemment encore The Ghost Writer (2010), de Roman Polanski.
> Eli et Marilyn sur le tournage de "Les Désaxés"
Décès de Willy Rizzo
Willy Rizzo, photographe
article publié sur lemonde.fr
par Claire Guillot - le 27 février 2013
Le photographe au Salon de la Photo,
Porte de Versailles, à Paris, le 7 novembre 2010.
Avec ses photos de stars au naturel et son allure de dandy, Willy Rizzo a incarné la grande époque de Paris Match dans l'après-guerre. Le photographe, qui eut aussi une carrière de designer, est mort à Paris, le 25 février, à l'âge de 84 ans.
Né à Naples, Willy Rizzo a grandi à Paris avec sa mère italienne, et fait ses premières photos sous l'Occupation : l'adolescent piste les vedettes de cinéma qui sortent des studios parisiens. A la Libération, il travaille comme photoreporter à Point de vue et France Dimanche, avant de s'envoler pour l'Amérique, envoyé par l'agence Blackstar, photographier "tout ce qui l'étonne".
Mais c'est en 1949 que sa carrière décolle : il est des six personnes qui concoctent, dans un appartement de la rue Pierre-Charron, le lancement du magazine Paris Match. Sa couverture du numéro 1, avec un portrait de Churchill, sera suivie de bien d'autres.
Alors que le photographe d'antan était reçu "comme un plombier", lui en fait un personnage chic, apprécié des jolies femmes (il se mariera trois fois) : "Nous étions les voyous de la presse, déclarait-il au Monde en 1998. On gagnait très bien notre vie, on était insouciants, smart, sympas, on courait les filles avec des bagnoles incroyables (...). Nous étions sur tous les coups, on passait par la porte ou par la fenêtre. On était les meilleurs. On avait 20 ans."
Inspiré par ce photographe et sa bande, Hergé mélange son nom et celui de son collègue Walter Carone pour créer Walter Rizzoto, reporter à Paris-Flash dans 'Les Bijoux de la Castafiore'.
Avec son humour et sa repartie, Willy Rizzo charme les célébrités, qui deviennent ses amies. Il les saisit dans des poses spontanées, après avoir partagé avec elles un dîner, une soirée, un week-end. Brigitte Bardot sort à quatre pattes d'un bateau de pêche à Saint-Tropez, les cheveux lâchés. Marlene Dietrich écoute des disques, Jean Seberg fait du vélo et Jack Nicholson, qui partage souvent ses vacances, est hilare. Pour Paris Match, ensuite pour Marie Claire ou pour Vogue, Willy Rizzo va séduire Jane Fonda, Marlon Brando, Gary Cooper, Orson Welles, Salvador Dali...
Mais il reste un reporter, fier de sa carte de presse : le scoop dont il se vante est un portrait de Pie XII de 1950, arraché au culot. Et il est capable de signer un reportage sur la guerre d'Indochine en 1952 peu flatteur pour l'armée française. "Si je revois Rizzo en Indochine, aurait dit le général Raoul Salan, je l'encule devant mon bataillon."
A la fin des années 1960, Willy Rizzo part s'installer à Rome, avec sa femme, l'actrice Elsa Martinelli, et dessine des meubles aux lignes futuristes pour son appartement. Ces derniers font fureur auprès de ses amis fortunés : c'est le début d'une nouvelle carrière. Willy Rizzo va créer une entreprise, ouvrir plusieurs boutiques. Mais en 1978, nostalgique, il vend son affaire et revient à la photographie et à Paris, où il continue à travailler pour la presse. En 2009, il ouvre un studio de design et de photo, rue de Verneuil.
Le 6 mars 2013, celui-ci devait accueillir une exposition consacrée à Coco Chanel, dont le photographe était proche : sur les photos de Rizzo, "Mademoiselle" ose même un sourire.
Quelques dates
22 octobre 1928: Naissance à Naples.
1949: Signe la première couverture de "Paris Match".
1978: Vend son entreprise de design.
25 février 2013: Mort le 25 février 2013 à Paris.
> L'article de Paris Match
> L'article du Point
Willy Rizzo ne photographia Marilyn Monroe que lors d'une unique séance en février 1962. Des portraits en couleurs et en noir et blanc d'une Marilyn au regard triste mais au sourire radieux.
>> Sur le blog: voir les photos de Marilyn par Willy Rizzo
Le Blog cité dans Le Monde
Le journal national Le Monde du samedi 4 août 2012, a consacré un article sur Marilyn Monroe et cite le blog "Divine Marilyn" dans la rubrique web, le présentant comme le site "le plus complet".
Si quelqu'un possède le journal, j'aimerais me le procurer... merci de laisser un commentaire ci-dessous pour que je puisse prendre contact. Merci.
Marilyn Monroe, tout est à vendre
Marilyn Monroe, tout est à vendre
le 2/08/2012
Par Frédéric Joignot, envoyé spécial à New York
en ligne sur lemonde.fr
A gauche : Joe DiMaggio, le second mari de Marilyn, est absent du testament de la star.
A droite : les psychanalystes Dorothy Burlingham, Mariane Kris - qui obtient 25 % de la succession - et Anna Freud, dans les années 1970.
FREUD MUSEUM, LONDON | BETTMANN/CORBIS.
Marilyn Monroe rédige son testament le 14 janvier 1961, à 34 ans, à une période douloureuse de sa vie. Elle vient d'annoncer son divorce avec l'écrivain Arthur Miller. Le tournage des Désaxés, de John Huston, a été une épreuve : elle se disputait sans cesse avec son mari, prenait des barbituriques à haute dose. L'année précédente, Le Milliardaire, une comédie de George Cukor, avec Yves Montand, a fait un flop.
Certains journaux la disent finie. L'actrice s'est installée à New York pour suivre à nouveau les cours de théâtre de Lee Strasberg à l'Actors Studio. Le maître des lieux, qui a formé Marlon Brando, Montgomery Clift, James Dean ou Dustin Hoffman, et dont l'épouse, Paula, est devenue le coach de Marilyn, propose de la diriger dans Rain, un téléfilm pour la NBC adapté d'un roman de Somerset Maugham. Marilyn se prépare, écrit à Maugham pour approfondir son rôle. En attendant, désespérée par sa rupture avec Miller, elle consulte chaque jour sa psychanalyste, Marianne Kris.
Marilyn Monroe, entourée de l'artiste Sammy Davis Jr et du photographe Milton Greene, dont elle était proche, en décembre 1954.
| BETTMANN/CORBIS
Voilà pourquoi, peut-être, elle lègue alors, après distribution de sommes en liquide à ses proches et à sa demi-soeur Berniece Miracle, 50 % de ses biens, revenus et droits à Lee Strasberg, son mentor. 25 % vont à Marianne Kris, afin qu'elle "les emploie à faire avancer le travail de tout groupe ou institution psychiatrique de son choix". Les 25 % restants ou, au choix, 40 000 dollars, reviennent à sa secrétaire, May Reis. Sinon, n'ayant pas eu d'enfant et son père l'ayant abandonnée, elle laisse 5 000 dollars par an "pour l'entretien et le soutien financier" de sa mère, Gladys Baker, internée dans un hôpital psychiatrique.
Ce testament est contesté aussitôt après sa mort. La conseillère financière de Marilyn Monroe, Inez Melson, qui ne reçoit rien, affirme, en octobre 1962, que l'actrice était "sous l'influence invalidante" des Strasberg et de son analyste. Mais elle est déboutée par le juge Samuel Di Falco, qui entérine le testament.
Aujourd'hui encore, sur le site Marilynmonroe.family.com, ses cousins parlent d'une manipulation de ses dernières volontés par ses proches, alors qu'elle était au plus mal. Plusieurs de ses biographes soutiennent qu'elle allait les modifier, au vu des événements qui ont suivi...
Lee Strasberg et Marilyn Monroe
PETER BASCH
En février 1961, le projet Rain avec Lee Strasberg s'écroule. Effondrée, l'actrice s'assomme aux barbituriques. Craignant qu'elle ne se suicide, Marianne Kris la fait admettre à la Payne Whitney Clinic, à Manhattan, où elle est placée en cellule de sécurité. Quand elle constate qu'elle est enfermée, Marilyn Monroe fait une crise de désespoir, casse une fenêtre, demande à sortir. Les médecins la menacent de la camisole de force. Elle fait passer un message à Lee Strasberg par une infirmière : "Le Dr Kris m'a fait enfermer sous la surveillance de deux imbéciles (...). Je suis enfermée avec les cinglés. Je suis sûre de finir comme eux si ce cauchemar se poursuit. Je vous en supplie, aidez-moi." Mais c'est l'ancien joueur de baseball Joe DiMaggio, son deuxième mari, qui, joint par Marilyn, la fait libérer. Il la place dans un centre ouvert, reste près d'elle. Selon Donald Spoto, son biographe le plus sérieux, ils envisageaient de se remarier.
Après cet épisode, l'actrice ne demandera plus jamais l'aide de Marianne Kris et, d'après plusieurs sources, elle fit savoir à son avocat, Milton Rudin, qu'elle souhaitait modifier son testament. Voilà pourquoi beaucoup s'étonnent que la psychanalyste hérite, que Joe DiMaggio, de retour dans sa vie, n'ait rien ou encore que Lee Strasberg reçoive la majeure partie de l'héritage. Selon Patricia Bosworth, du magazine Vanity Fair, Marilyn aurait confié la veille de sa mort au photographe Milton Greene, longtemps son ami et manager, qu'elle pensait que les Strasberg la manipulaient.
Marilyn Monroe décède dans la nuit du samedi 4 août 1962 d'un empoisonnement aigu aux barbituriques. Elle a 36 ans. En dehors de ses droits et royalties, ses biens sont estimés à 92 781 dollars. Ils sont distribués comme le stipule son testament. Ses effets personnels sont pieusement conservées par les Strasberg, qui pensent que ceux-ci rejoindront un jour un musée du cinéma.
Quand, en 1982, Lee Strasberg meurt, sa veuve et seconde femme, Anna, qui n'a jamais connu Marilyn, se retrouve à la tête du Lee Strasberg Theater Institute fondé par son mari, et de la majeure partie de l'héritage Monroe. Peu connue du grand public, Anna Strasberg s'érige aussitôt en stratège de l'exploitation de la marque et de l'image Marilyn Monroe. D'après Nathan Koppel, expert financier au Wall Street Journal, elle "lance son entreprise de licences et de publicité quelques mois à peine après la mort de son mari".
Anna Strasberg, l'héritière, qui n'a jamais connu Marilyn Monroe, fait la promotion du livre « Fragments », à Francfort, en Allemagne, en 2010. EPA/CORBIS | ULI DECK/
Il faut comprendre qu'en ces années 1980, les budgets de communication des marques explosent. Elles cherchent des égéries, des icônes, des stars avec lesquelles s'associer. Marilyn Monroe est l'une d'elles. Anna Strasberg comprend vite que les royalties de l'actrice sont peu lucratives au regard de ce que pourraient rapporter ses droits à l'image. Les artistes eux-mêmes se sont inspirés de l'icône Marilyn Monroe. En 1954, Willem De Kooning peint une Marilyn aux traits déformés. En 1965, Richard Hamilton exécute My Marilyn, un collage photos. En 1967, c'est au tour d'Andy Warhol de produire plusieurs sérigraphies qui seront vendues dans le monde entier. En 1971, Salvador Dali réalise une lithographie intitulée Mae West, Marilyn Monroe, Mao. En 1982, la photographe américaine Cindy Sherman s'autoportraitise en Marilyn à peine maquillée...
Durant les années qui suivent, de fructueux contrats pleuvent. Les grands magasins Bloomingdale's ouvrent une boutique "Marilyn Monroe" à New York, Absolut Vodka lance un spot de télévision, la société de cosmétiques Revlon récupère son image, un clip pour le parfum Chanel no5 est tourné, même la griffe Nike s'accapare Marilyn sur ses baskets. D'après le Wall Street Journal, la marque "Marilyn Monroe" rapporte 7,6 millions de dollars à Anna Strasberg entre 1983 et 1993.
QUELLE IMAGE GARDER DE MARILYN ?
Dès lors, comment continuer à faire fructifier cette manne jouant sur l'image et la légende de l'actrice ? Quels souvenirs l'actrice laisse-t-elle dans les mémoires ? Comment la présenter dans des publicités ou sur des produits commerciaux ? Quelle Marilyn Monroe est la plus vendeuse ? La blonde allumeuse de ses débuts ? La star glamour venue souhaiter, le 19 mai 1962, bon anniversaire au président John F. Kennedy, son amant ? Ou l'actrice inquiète de l'Actors Studio ?
Lawrence Schiller, 76 ans, a photographié Marilyn nue sur le bord de la piscine lors du tournage du film Something's Got to Give, abandonné en 1962. Selon lui, "le grand public aime le personnage "Marilyn", la blonde sexy et faussement ingénue que Monroe a inventée de toutes pièces. Quand elle a décidé de poser nue, je lui ai dit : "Vous êtes célèbre, vous allez me rendre célèbre." Elle m'a répondu : "Ne soyez pas insolent, les photographes se remplacent facilement." Pour chaque photo, elle devenait Marilyn, avec son sourire lumineux, sa féminité irrésistible. Ensuite, elle demandait à voir tous les tirages et en éliminait les trois quarts". Pour Schiller, Marilyn Monroe "jouait son va-tout" en posant nue. La Fox voulait la licencier, Liz Taylor était mieux payée qu'elle. "On découvre combien elle est encore belle. Pourquoi personne n'oublie-t-il Marilyn Monroe ? Elle a créé sa propre icône. Elle savait prendre la lumière comme aucune autre star."
Un exemplaire du premier numéro du magazine « Playboy » (1953) - avec, en couverture, Marilyn Monroe photographiée par Milton Greene - s'est vendu 31 070 dollars en 2010. | PLAYBOY
Les photos au bord de la piscine ont consacré Marilyn comme la bombe platine à la chair nacrée qui efface Lana Turner et Jean Harlow. C'est cette Marilyn-là qu'Anna Strasberg va vendre en série dans les années 1990. En 1996, elle s'associe avec Mark Roesler, le PDG de CMG Worlwide - qui gère les droits intellectuels pour utiliser des photos de célébrités. L'homme s'est fait connaître dans les années 1980 en envoyant des détectives privés rechercher les familles des stars décédées. C'est ainsi qu'il a récupéré les droits de Bette Davis, James Dean, Ava Gardner, Robert Mitchum, Gene Tierney, Ingrid Bergman, Jane Mansfield, Jane Russell... Il a emporté le marché Marilyn Monroe en promettant à Anna Strasberg 1,1 million de dollars de gains annuels en licences.
Les années suivantes, 700 contrats industriels et publicitaires utilisant l'image de Marilyn sont signés, jouant sur son sex-appeal. La star est représentée, souvent en petite tenue, sur des centaines de milliers d'objets et gadgets de toutes sortes. Mugs, cendriers, stylos, briquets, jetons de casino, vaisselle, literie, lingerie, tee-shirts, sacs, meubles, poupées, queues de billard, stores, tablettes de chocolat, bouteilles de vin (le "Marilyn merlot", le "sauvignon Blonde"). Parfois, c'est n'importe quoi. Une ligne de vêtements roses pour animaux a pour slogan "Les diamants sont les meilleurs amis du chien", des préservatifs à l'effigie de Marilyn sont mis en vente...
Paul Morizet, de Greenlight - filiale de la banque d'images Corbis -, croit, qu'à force, Anna Strasberg a dégradé l'image de la star. Il s'est occupé du film publicitaire Dior tourné, en 2011, par Jean-Jacques Annaud au château de Versailles avec Charlize Théron. Des doubles de Grace Kelly, Marlène Dietrich et Marilyn Monroe y apparaissent quelques secondes. "Nous gérons les images de Steve Mc Queen et Maria Callas. Il est décisif de ne pas galvauder la symbolique d'une star disparue. Le problème, avec Marilyn Monroe, c'est que son image a été trop vendue dans des produits bas de gamme. Elle a beaucoup perdu en image de marque. Résultat, une star vivante vaut beaucoup plus cher qu'elle. Elle ne reprend une valeur publicitaire que depuis deux ans", dit-il.
Si l'image de l'actrice est écornée, les licences la concernant rapportent gros. Entre 1996 et 2000, selon le Wall Street Journal, Anna Strasberg reçoit 7,5 millions de dollars de la CMG. C'est l'époque, écrit le journal économique, où "Anna Strasberg pense et gère l'image de Mme Monroe dès qu'elle se réveille". Elle cherche à récupérer les droits qui lui manquent, les 25 % légués à Marianne Kris. Avant de mourir, en 1980, la psychanalyste les a transmis à l'Anna Freud Centre de Londres, une clinique psychiatrique qui se servira de cet argent pour créer une unité thérapeutique "Marilyn Monroe" pour enfants en difficulté. Anna Strasberg va tenter, en vain, de racheter ces parts.
En 1999, l'héritière arrondit son pactole en mettant aux enchères les affaires personnelles de l'actrice chez Christie's, à New York. La vente de ses effets, près de 1 000 pièces, ses livres, ses meubles, ses robes rapportent 13,4 millions de dollars, quadruplant les estimations. Cette vente aux enchères a heurté beaucoup de gens. Les héritiers des grands photographes de Marilyn, ceux qui ont popularisé son image (Milton Greene, Tom Kelley, Sam Shaw) se disent choqués, et dénoncent l'âpreté au gain d'Anna Strasberg ainsi que la dégradation de l'image de Monroe.
La robe blanche que la star portait dans « Sept ans de réflexion », de Billy Wilder, en 1955, s'est vendue 4,6 millions de dollars, à Berverly Hills, le 18 juin 2011. | REX FEATURES/SIPA
Au départ pourtant, la plupart d'entre eux apprécient les contrats de licence, en signent eux-mêmes, profitant de la manne. Selon The Wall Street Journal, Larry Shaw, fils de Sam, a amassé 100 000 dollars par an dans les années 1990 grâce aux droits de publicité sur Marilyn. De même, Tom Kelley Junior, dont le père a fait, en 1949, le premier nu de Marilyn (payé 50 dollars), a perçu 300 000 dollars. Les choses se gâtent dans les années 2000, lorsqu'Anna Strasberg s'arroge l'essentiel des dividendes. Joshua Greene, le fils de Milton, a déclaré au quotidien britannique The Telegraph : "Anna Strasberg et la CMG étaient seulement intéressés par l'argent. Au lieu de travailler avec nous, ils nous ont attaqués en tant que photographes, prenant 90 % des accords de licence. Nous avons même dû nous battre pour que les photos soient correctement créditées." Mark Roesler, de CMG, tout comme le service communication de l'entreprise, ont refusé de répondre à nos questions sur ces critiques.
Excédés, les trois héritiers des photographes Greene, Kelley et Shaw déposent, début 2007, un recours commun pour remettre en cause la propriété de l'image de l'actrice par Anna Strasberg. Pour cela, ils vont jouer sur les contradictions du droit américain. Selon leurs avocats, quand Marilyn Monroe homologue son testament, en janvier 1961, elle habite Manhattan. Or, aux Etats-Unis, les droits de publicité constituent un véritable maquis juridique. Dans l'Etat de New York, les descendants d'une célébrité n'ont pas le droit d'en hériter. Autrement dit, si la Marilyn de 1961 était jugée "résidente new-yorkaise" par une cour, ses droits de publicité après sa mort seraient nuls et non avenus. Anna Strasberg n'aurait pas le droit de les exploiter.
L'avocat adverse, Me Wegner, riposte fin 2007. A son décès, Marilyn Monroe se considérait comme californienne. Or, en Californie, la loi reconnaît la cession post mortem pour toute star décédée depuis 1938. Conclusion : Marilyn Monroe pouvait céder ses droits de publicité aux Strasberg.
En septembre 2008, la cour de district de New York a reconnu la demande des photographes lésés, qu'elle a libérés de la tutelle d'Anna Strasberg et de la CMG. Les titulaires de licence peuvent désormais traiter directement avec eux. Mark Roesler, le PDG de la CMG, qui a perdu là un marché décisif - Forbes Magazine estime à 7 millions de dollars les droits photographiques versés pour Marilyn en licences -, a parlé d'"une décision ridicule", et a fait appel. Ce procès a coûté très cher à toutes les parties. Selon The New York Times, Anna Strasberg a investi 100 000 dollars pour tenter de faire modifier la législation sur les droits de publicité à Albany, capitale de l'Etat de New York. Elle a été condamnée à 200 000 dollars d'amende dans un tribunal de Manhattan pour "manigances inacceptables".
Poussons à présent la porte du Lee Strasberg Theater Institute, un petit édifice peint de couleurs vives sur la 15e Rue, à New York. "Mme Anna Strasberg ? Non, elle n'est pas là. Mais je vais voir si la directrice, Victoria Krane, peut vous recevoir." A deux pas de la réception, on découvre un émouvant petit "Marilyn Monroe Theater" où les étudiants d'art dramatique répètent - ils aiment l'actrice de Niagara (1953) et Troublez-moi ce soir (1952), la Marilyn criminelle et malsaine qu'elle jouait si bien, aussi ! Dès qu'elle apprend que je cherche à joindre sa patronne, Victoria Krane décline tout entretien. J'insiste. Les jours suivants, je reçois deux mails secs. Tous deux m'indiquent qu'Anna Strasberg sera absente de New York jusqu'en septembre. Inutile de chercher à la rencontrer.
C'est Paul Newman qui a présenté Anna Mizrahi, 28 ans, une jolie actrice de Broadway montée à Hollywood, à Lee Strasberg, 66 ans, en 1967. Un an plus tard, ils se marient, et s'installent dans une belle maison à Brentwood, Los Angeles. Deux enfants naissent bientôt, Adam et David. L'actrice Susan Strasberg, la fille de Lee et de Paula, dans des Mémoires non publiés dont Vanity Fair a donné des extraits, parle d'une période heureuse - beaucoup d'acteurs passaient chez eux, Al Pacino était l'ami de la famille. Mais des dissensions naissent bientôt à propos de la gestion des instituts Strasberg. Le premier fils de Lee, Johnny, s'occupe de celui de New York. En 1978, il demande à toucher des dividendes de l'affaire. Son père et Anna Strasberg refusent. Elle le juge incompétent, refuse de le rencontrer. Johnny quitte l'institut. En juin 2003, il déclare à Vanity Fair : "Nous étions devenus deux familles, celle d'Anna et la nôtre."
Quand, en février 1982, Lee Strasberg meurt d'une crise cardiaque au Radio City Music Hall, l'essentiel de son héritage revient à Anna et à ses enfants. Johnny et Susan ont été déshérités. Les années qui suivent, Anna Strasberg prend la direction des instituts et récupère, après une bataille juridique, toutes les archives de l'Actors Studio. En 1988, elle viendra en aide à Susan et à sa fille Jenny, quand elles se trouveront sans argent. Susan demandera 1 % de la succession Monroe. En vain. Dans Vanity Fair, Anna Strasberg déclare : "Toute histoire a toujours deux versants."
Un écrivain et éditeur français, Bernard Comment, qui dirige la collection "Fiction & Cie" des éditions du Seuil, a rencontrée plusieurs fois Anna Strasberg. Il présente l'autre versant, parle d'une vieille femme cultivée, pleine d'humour, très élégante, attachée à préserver l'art dramatique de son mari, et relativise sa réputation de férocité en affaires. La manière dont elle l'a choisi pour publier le livre Fragments (Seuil, 2010), composé à partir des carnets intimes de Marilyn Monroe, en témoigne.
En octobre 2008, invité par le rocker Lou Reed - qu'il a publié au Seuil - à un dîner privé de collectionneurs d'art, Bernard Comment se voit aborder par un proche d'Anna Strasberg. Elle aurait découvert des textes de Marilyn qu'elle aimerait montrer à un éditeur "littéraire". Deux mois plus tard, l'écrivain arrive avec vingt minutes de retard dans un grand appartement new-yorkais. Anna Strasberg, 68 ans, moque gentiment son retard - elle le compare à Marilyn - et lui présente sept ou huit textes de l'actrice. "Je ne pouvais pas les toucher, j'ai eu à peine le temps de lire quelques extraits. Je repère qu'il y a un poème, des pleines pages, des notes... Je lui dis qu'il faudrait réaliser un livre d'auteur, signé, pas un "beau livre"..." Puis il précise aussitôt qu'il n'a pas d'argent. Enfin, très peu. Contre toute attente, Anna Strasberg se montre satisfaite. "Elle m'a dit qu'elle attendait depuis des années qu'on lui tienne un tel discours. Elle voulait avant tout mettre en valeur ce trésor. Un grand éditeur de presse américain était venu la trouver avant moi. Voyant les textes, il avait fait glisser un chèque en blanc sur la table. Elle avait décliné l'offre."
Dans les mois qui suivent, Bernard Comment revient plusieurs fois à New York pour travailler sur le futur livre. Finalement, l'ouvrage est accepté, les droits vendus. "Nous sommes loin d'une somme à six chiffres, dit-il. Ce qui est dérisoire." Il ajoute qu'Anna Strasberg lui a demandé des listes d'éditeurs littéraires dans toute l'Europe. Elle a demandé à chacun d'entre eux une lettre de motivation.
En France, selon l'éditeur, Fragments s'est vendu à 100 000 exemplaires. Autant en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis. Le livre nous fait découvrir une Marilyn triste, doutant d'elle-même. Elle écrit : "Mon travail est le seul espoir fiable que j'ai", ajoutant : "Seule !!!!! Je suis seule. Je suis toujours seule quoi qu'il arrive." Plus loin encore : "Je sais que je ne serai jamais heureuse, mais je peux être gaie !" L'écrivain Antonio Tabucchi, qui préface Fragments, parle d'une "Joconde" contemporaine, précisant : "A l'intérieur de ce corps vivait l'âme d'une intellectuelle et poète dont personne n'avait le soupçon." Ces textes bouleversants retournent complètement l'image de la starlette écervelée.
Selon Bernard Comment, c'est ce que voulait Anna Strasberg. Au cours de leurs discussions, elle a laissé transparaître qu'elle avait été dépassée par cet héritage. Il lui fallait, pour conserver les affaires de Marilyn, louer des garde-meubles climatisés, prendre des assurances exorbitantes. Elle ne pouvait pas contrôler les millions d'objets qui ont déferlé sur le marché. Plusieurs fois, elle a essayé. Quand Larry Shaw, le fils du photographe, a dénoncé un téléphone gadget où la robe de Marilyn se soulevait à chaque sonnerie, elle a contacté l'industriel pour protester. On lui a dit que la statuette portait une culotte. Que faire ? Anna Strasberg devait encore maintenir en vie les écoles de New York et de Los Angeles, l'héritage de son mari, où plusieurs générations d'acteurs ont appris "la méthode" héritée de l'Actors Studio : Alec Baldwin, Laura Dern, Matt Dillon, Bridget Fonda, Ray Liotta, Robert de Niro, Mickey Rourke, Uma Thurman, Christopher Walken. Sans compter le financement des nombreuses bourses que l'institut a distribuées.
Dans les années 1990, 700 contrats de licences sont signés pour utiliser l'image de la star. | DR
En janvier 2011, à 73 ans, lasse des procès à répétitions, Anna Strasberg a rompu son contrat avec CMG Worldwide pour vendre la quasi-totalité de ses droits sur Marilyn à une nouvelle société, Authentic Brand Group (ABG). La négociation a duré six mois. La presse économique américaine a avancé deux prix : 25 et 50 millions de dollars. Un dirigeant d'ABG, James Salter, a déclaré au New York Post : "Nous voulons en finir avec les babioles et le trash." Le choix sera celui de "l'élégance, l'élégance, l'élégance", même s'il précise : "Marilyn était une femme élégante, mais elle n'était pas droite comme un crayon."
Dans les bureaux d'ABG, à New York, d'immenses photos de Marilyn habillent les murs. Le responsable du marketing, Nick Woodhouse, 35 ans, explique la nouvelle stratégie : "Nous pensons que Marilyn n'était pas à sa place. Elle était au-dessous de ses capacités comme icône glamour. Nous travaillons à lancer une joaillerie Marilyn, comme a commencé à le faire Chopard à Cannes, des parfums, de la lingerie, de la mode Marilyn... Dolce & Gabbana a développé des tee-shirts à 200 dollars ainsi qu'une ligne de cosmétiques où Scarlett Johansson pose en Marilyn."
La nouvelle Marilyn Monroe vaut-elle cher ? "C'est une marque premium". Vont-ils continuer à vendre des gadgets ? "Nous ne voulons plus de vulgarité. Mais l'extraordinaire avec Marilyn, c'est qu'elle séduit autant les camionneurs que l'élite, de Tokyo à Vancouver. Nous allons développer des campagnes haut de gamme mais aussi plus populaires. Nous venons de lancer sa page Facebook. Elle rassemble déjà plus de trois millions de fans."
Megan Hilty et Katharine McPhee, les deux actrices aspirant au rôle de Marilyn dans la série américaine « Smash » (TF1). | DREAMWORKS TV/STORYLINE ENTERTAINMENT/UMS/THE KOBAL COLL./AFP
Pour convaincre ses futurs clients, Nick Woodhouse a rassemblé l'actualité récente consacrée à la star. C'est impressionnant... Elle souffle une bougie sur l'affiche du dernier Festival de Cannes. Elle inspire le film My Week With Marilyn, de Simon Curtis, sorti en avril. Brad Pitt confirme vouloir produire Blonde avec Naomi Watts, un film tiré du roman de Joyce Carol Oates (2000). Steven Spielberg et la chaîne NBC ont lancé le feuilleton télévisé "Smash", diffusé sur TF1 en juillet, qui raconte la création d'une comédie musicale d'après la vie de Marilyn. Angelina Jolie a été pressentie pour l'interpréter aux côtés de George Clooney dans Maf the Dog, tiré du roman d'Andrew O'Hagan's ("Maf" ou "Mafia" est le nom du chien offert par Franck Sinatra à Marilyn).
Le distributeur américain Entertainment One prépare une série d'émissions de télé-réalité sous le titre "Finding Marilyn" ("Chercher la nouvelle Marilyn").
Après avoir occupé les couvertures des magazines pour le 50e anniversaire de sa mort, Marilyn Monroe continue d'inspirer livres, films, séries et shows. Pourquoi nous séduit-elle toujours ? Nous émeut-elle encore ? Edgar Morin a magistralement analysé, dans Les Stars (Seuil, 1972), comment Marilyn Monroe est devenue "la première star au-delà du star-system", l'actrice désemparée dont les échecs artistiques, le mal-être et la mort brutale déchirent le mythe d'un Hollywood de rêve.
Aujourd'hui, des studios réfléchissent à une "virtual Marilyn" en 3D, un hologramme permettant de lui faire jouer de nouveaux rôles. Le fantôme de Marilyn Monroe n'a pas fini de nous hanter.
Le Monde Magazine 13/11/2010
Dans Le Monde Magazine, vendu en supplément du journal Le Monde du 13 novembre 2010, un article sur la vente de photographies de Richard Avedon par la maison Christie's est publié, avec une photo de Marilyn Monroe.
Le Monde des Livres 7/10/2010
Le supplément du journal Le Monde des Livres du jeudi 7 octobre 2010 consacre un article intérieur à Marilyn Monroe pour la sortie du livre Fragments.
(scans d'Eric).