Décès de Eli Wallach
Eli Wallach, le « Truand » de Sergio Leone, est mort
article publié sur lemonde.fr
par Isabelle Regnier - le 25 juin 2014
En 2010, alors qu'il remettait à son vieil ami Eli Wallach un Governors Award pour l'ensemble de sa carrière, Clint Eastwood saluait le dernier acteur vivant de Baby Doll, d'Elia Kazan, et des Désaxés, de John Huston. Avec une malice inquiète, il ajoutait qu'il était également l'un des deux derniers survivants du casting de Le Bon, la Brute et le Truand, posant implicitement la question de celui d'entre eux deux qui partirait le premier. La réponse est tombée hier, quand le New York Times a annoncé la mort d'Eli Wallach. Celui qui reste identifié dans la mémoire collective à Tuco, le truand comique et pas bien futé du western de Sergio Leone, s'est éteint le 24 juin 2014, à l'âge de 98 ans.
Né à Brooklyn en 1915, dans une famille juive d'origine polonaise, Eli Wallach s'initie au théâtre après avoir obtenu un diplôme d'histoire à l'université du Texas et un master en éducation au City College de New York. Engagé dans l'armée américaine pendant la seconde guerre mondiale, il officie comme sergent dans un hopital militaire à Hawaï, avant d'être envoyé comme second lieutenant à Casablanca et en France. La petite histoire retient que pendant ce séjour en France, il écrit et met en scène avec quelques camarades une pièce parodique sur l'armée, dans laquelle il s'attribue le rôle de Hitler.
L'AMI DE MARILYN MONROE
De retour aux Etats-Unis, Eli Wallach prend des cours de théâtre avec Erwin Piscator, et intègre, dès sa création, en 1947, l'Actors Studio. Sous la direction de Robert Lewis, il joue aux côtés de Marlon Brando, de Montgomery Clift, de Sidney Lumet, fait la connaissance d'Anne Jackson, actrice de théâtre, qui deviendra bientôt sa femme et avec qui il aura trois enfants, devient ami avec Marilyn Monroe. En 1945, il fait ses débuts à Brodway. Six ans plus tard, sa performance dans The Rose Tatoo, de Tennessee Williams, lui vaut un Tony Award. Entre-temps, il a commencé à travailler pour la télévision, qui lui fournira régulièrement des emplois jusqu'à la fin de sa carrière. Dans son autobiographie, l'acteur écrit d'ailleurs que le personnage de Mr. Freeze, qu'il joua dans une série Batman dans les années 1960, lui a valu plus de courriers de fans que tous ses rôles réunis.
C'est Elia Kazan, cofondateur de l'Actors Studio, qui lui donne son premier rôle au cinéma, celui de Silva Vacarro dans Baby Doll (La Poupée de chair, 1956), riche propriétaire terrien et prédateur pervers qui séduit la jeune épouse encore vierge (Carroll Baker) du pauvre Archie Lee (Karl Malden). Ce rôle, qui lui vaut le prix du meilleur espoir masculin de la BAFTA (British Academy of Film and Television Arts), est le point de départ d'une longue carrière sur grand écran, qui le cantonnera le plus souvent aux personnages secondaires. S'il papillonne dans tous les genres, circulant même, dans les années 1970, entre les Etats-Unis et l'Europe, il se spécialise dans les personnages tordus, antipathiques, tendant parfois vers le grotesque.
TRAFIQUANT PSYCHOPATHE
En 1958, Don Siegel lui offre le rôle d'un trafiquant d'héroïne psychopathe dans The Lineup. Il sera ensuite Calvera, le chef des pillards contre lesquels se rebiffent les villageois mexicain dans The Magnificent Seven (Les Sept Mercenaires, 1960), de John Sturges, et Guido dans The Misfits (Les Désaxés, 1961), de John Huston, aux côté de Marilyn Monroe, de Clark Gable et de Montgomery Clift.
On le verra encore dans Lord Jim (1965), de Richard Brooks, aux côtés de Peter O'Toole, qu'il retrouve l'année suivante dans How to Steal a Million (Comment voler un million de dollars, 1966) de William Wyler, juste avant d'embarquer pour l'Espagne, où il tourne dans Il Buono, il Brutto, il Cattivo (Le Bon, la Brute, et le Truand, 1966), de Sergio Leone.
Une brouille avec Sergio Leone mettra un terme à leur collaboration, mais l'acteur tournera encore une série de westerns spaghettis — Les Quatre de l'Ave Maria (I quattro dell'Ave Maria, 1968), de Giuseppe Colizzi ; Et Viva la Revolution! (¡Viva la muerte... tua!, 1971), de Duccio Tessari ; Le Blanc, le Jaune et le Noir (Il bianco il giallo il nero, 1975), de Sergio Corbucci — et de films italiens — Jo le fou (Crazy Joe, 1974), de Carlo Lizzani ; Attenti al buffone (1975), d'Alberto Bevilacqua. A la même époque, il joue un mafieux italien dans Le Cerveau, de Gérard Oury (1969), qui deviendra un des incontournables du cinéma du dimanche soir à la télévision française.
La fin de sa carrière cinématographique fut ponctuée d'apparitions dans quelques grands films comme Le Parrain III (The Godfather: Part III, 1990), de Francis Ford Coppola, Mystic River (2003), de Clint Eastwood, ou plus récemment encore The Ghost Writer (2010), de Roman Polanski.
> Eli et Marilyn sur le tournage de "Les Désaxés"